Les années passent et les espoirs de voir surgir enfin une économie productive hors hydrocarbure s'amenuisent de plus en plus. Malgré les ressources pharaoniques injectées, la croissance (2,5%) demeure moins élevée que la moyenne des pays en voie de développement qui n'ont aucun plan de relance. Quelles peuvent être les craintes et les espoirs pour 2013 ? Les perspectives à court terme en Algérie sont trop déviantes de l'horizon du long terme. Il faut dire à la décharge de nos responsables que nous, la profession des analystes et des économistes dans notre pays est trop divisée, trop éparpillée et trop distante de tout ce que l'on trouve dans le reste du monde. Certes, les débats d'idées existent partout. Dans tous les pays de la planète il y a des marginaux qui pensent encore que la dictature du prolétariat, un parti communiste unique et le «centralisme démocratique» sont la solution miracle à nos dérives. La majorité de nos penseurs serait loin de cette configuration. Mais tout de même, elle considère que le retour à l'hyper-étatisation et l'hyper-bureaucratisation de l'économie sont des pistes sérieuses de sortie de crise. Les décideurs les ont écoutés, injectant dix milliards de dollars dans des entreprises assainies déjà plus de cinq fois. Lorsqu'une approche managériale a échoué cinq fois, sa probabilité de réussite est proche d'une chance sur un million. Les craintes Il est impossible de recenser exhaustivement l'ensemble des craintes économiques pour une période charnière. Nous en avons beaucoup. Il s'agit de choisir un échantillon des facteurs les plus importants et les plus probables. Nous ne pouvons donc jamais prétendre à une quelconque exhaustivité. La première inquiétude a trait à l'inflation (hausse des prix des biens et des services). Durant les années 2010 et 2011, la masse salariale nationale a augmenté d'au moins 80%. Mais la productivité nationale stagne. Autrement dit, nous avons gonflé des salaires pour des personnes, alors que leur contribution (production) n'a connu aucune amélioration. Tout cela est financé par la rente des hydrocarbures. La menace d'une érosion des prix et des quantités vendues en 2013 est presque nulle. Mais elle est réelle pour 2020 et au-delà. Cette explosion salariale va avoir deux conséquences : une partie de ce pouvoir d'achat supplémentaire injecté dans l'économie va se traduire en hausse des importations, qui ont déjà augmenté de 400% entre 2000 et 2012. Le reste va se traduire en hausse des prix dont une partie seulement sera captée par les statistiques nationales. Il est connu de longue date en économie que lorsque la monnaie ou les salaires sont augmentés sans contrepartie, en moyenne 18 mois après une hausse des prix s'ensuit. Je pense que c'est la première préoccupation de 2013. Bien sûr, beaucoup de citoyens et d'analystes vont accuser les marchands de légumes, les épiciers, les spéculateurs et beaucoup d'autres boucs émissaires. Le second volet concerne l'emploi. La croissance ralentit malgré les énormes ressources injectées. On serait heureux d'arriver à 3 ou 4%, un taux qui permettrait juste d'absorber les 380 000 nouveaux venus dans le monde du travail. On serait content juste de stabiliser le chômage au niveau où il se situe à présent. Il y aurait des risques que la situation se détériore sur ce front. On arrive à colmater les brèches uniquement avec les multiples et interminables programmes d'aide aux premiers emplois. Le logement continuera de donner des sueurs froides aux autorités locales. Nous avons expliqué pourquoi le secteur continuera à voir l'écart se creuser entre l'offre et la demande (voir El Watan Economie du 29/10/2012). Les autorités centrales veulent que les dizaines de milliers de logements construites soient distribués au plus vite. Les autorités locales savent que pour chaque logement à distribuer il y a sept à huit demandes recevables et 3 à 4 sollicitations de complaisance. Quel que soit le mode de distribution, il sera contesté. Des émeutes s'ensuivront. Pourtant, les solutions existent : elles consistent à revoir en profondeur la politique du logement. Ce dernier sera d'une actualité brûlante en 2013. D'autre part, les problèmes de santé et les conditions sociales de nos citoyens les plus nécessiteux continueront à être problématiques, malgré les ressources énormes mobilisées par l'Etat. On peine à comprendre que la qualité de la politique sociale et le management efficace des institutions d'exécution sont plus importants que le montant des ressources mobilisées. Les espoirs L'année en cours peut être porteuse d'espoirs. Les partis politiques vont élaborer des programmes électoraux pour la présidentielle de 2014. Nous aurons alors les ébauches de solutions proposées pour dynamiser une économie hors hydrocarbures peu compétitive. Jusqu'à présent, la plupart des programmes proposés consacrent le simplisme et le populisme. Très peu sont si profonds qu'ils touchent aux racines des maux de l'économie nationale. Il est à espérer que les programmes dans l'ensemble, surtout celui du candidat gagnant, auront deux caractéristiques : s'adresser aux maux profonds de l'économie nationale et mettre en place des mécanismes efficaces d'exécution des mesures correctives. Les programmes doivent s'adresser en premier lieu aux qualifications humaines : comment mettre à niveau les «cerveaux» de toutes les ressources humaines du pays. Le deuxième volet concernerait l'organisation et la vision de l'Etat : comment le restructurer pour le rendre efficace. Un Etat mal structuré ne peut jamais régler les problèmes de la population et encore moins celui du développement. C'est donc une priorité nationale que de développer une vision et procéder à une profonde réorganisation de l'Etat. Le troisième volet concernera la modernisation des modes de fonctionnement de nos entreprises et de toutes nos institutions : sans cela, aucune amélioration n'est possible. Le troisième concerne l'entreprise : comment libérer les initiatives, débureaucratiser, réduire les charges et l'aider à jouer son rôle de moteur du développement. Nous avons besoin de doubler le nombre d'entreprises et de les mettre dans un environnement favorable. Ce n'est que si ces conditions sont réunies que l'on peut promettre de régler les problèmes d'emploi, de logement, de santé, de transport, d'urbanisme et le reste. Commencer par promettre de régler les problèmes sociaux d'abord, c'est faire preuve de populisme. Il est à espérer donc que 2013 va consacrer la rationalité plutôt que le simplisme.