Il a été enregistré, ces derniers jours, un départ massif d'expatriés en poste à In Amenas. Plusieurs entreprises ont connu des perturbations de leurs activités. In Amenas. De notre envoyé spécial
L'attaque terroriste qui a ciblé le site gazier de Tiguentourine n'a pas fait que des victimes humaines. Parmi ses dommages collatéraux, les entreprises opérant dans la région et même celles implantées dans les autres sites énergétiques. Chaque fois qu'un incident de grande ampleur frappe le Sud (prise d'otages, guerre à nos frontières, attentats terroristes…), l'accent est mis, à juste titre d'ailleurs, sur les retombées négatives de ce type d'événements sur l'activité touristique. Cette fois encore, l'impact de l'attaque de Tiguentourine sera malheureusement fatal pour le secteur. Dans la wilaya d'Illizi, les sites touristiques de Djanet seront sans doute les plus touchés, comme ce fut le cas l'an dernier après la guerre en Libye. A In Amenas, il n'est question que d'un tourisme «industriel» et de travail, du coup, c'est surtout l'incidence de ce raid terroriste sur l'activité industrielle dans la région qui suscite des inquiétudes. Pour commencer, nous avons assisté ces derniers jours à un départ massif d'expatriés en poste à In Amenas. Plusieurs entreprises ont connu des perturbations dans leurs activités. A cela s'ajoutent les exigences des pays directement affectés par la sanglante prise d'otages, qui ont enregistré des pertes parmi leurs ressortissants, sachant que sur les 38 victimes de l'attaque terroriste de Tiguentourine, 37 sont de nationalités étrangères, comme l'indiquait lundi le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Et au vu des réactions des gouvernements britannique, japonais et autres, le moins que l'on puisse dire est que cette affaire constitue un tournant. Désormais, un protocole de sécurité plus lourd va «escorter» les sociétés étrangères intervenant dans la région. Il convient de distinguer, à ce propos, entre les sociétés qui emploient un grand nombre d'expatriés et dépendent dans leur management de l'expertise étrangère, et les entreprises qui reposent sur des effectifs majoritairement algériens. Ce sont, en somme, celles-là qui ont réussi à maintenir leur activité, à commencer par le géant pétrolier Sonatrach et ses filiales. Des sociétés ont immédiatement pris des mesures de sécurité en réduisant au maximum les déplacements de leurs managers dans le Sud. Yuan Haiping, cadre au sein de la société chinoise Great Wall Drilling Company, filiale de la China national Petroleum Company, témoigne : «La société nous a demandé de rentrer à Alger parce qu'elle estime que la situation est critique. L'ambassade a également donné des consignes dans ce sens.» Yuan prévoit moins de missions pour les expatriés de sa société dans les zones sahariennes (lire notre portrait «Yuan Haiping, le dernier expat' d'In Amenas», paru dans notre édition d'hier). Des travailleurs chinois confinés dans leur base Des entreprises ont vu leur activité s'interrompre brutalement comme nous l'a attesté un groupe de travailleurs rencontrés à la base-vie de BASP (Baroid Algeria de services aux puits), une société algéro-américaine créée par l'Entreprise nationale de services aux puits (ENSP) et Halliburton. «Nous sommes complètement à l'arrêt. Tous les expatriés de la société sont partis, même notre directeur basé à Hassi Messaoud est rentré chez lui» affirme l'un d'eux qui a requis l'anonymat. De fait, nous avons souhaité nous entretenir avec un membre de la direction, à In Amenas, mais il n'y avait personne pour nous recevoir. «Nos emplois sont menacés», reprend ce travailleur. «Nous sommes des contractuels. Nous avons des contrats de trois mois. Et si la société ne reprend pas ses activités, nous ne percevrons que notre salaire de base. Chacun de nous a plusieurs bouches à nourrir et parfois plusieurs familles. Nous voulons retrouver la paix et la sérénité. Nous sommes en danger ici. Nous avons été très affectés par ce qui s'est passé et nous voulons que cela ne se reproduise plus.» Et de renchérir : «Avec cette guerre au Mali, les frontières sont devenues un problème, comme à l'époque de la guerre en Libye. Il faut rassurer les citoyens. Il faut renforcer la sécurité, aussi bien pour nous que pour les expatriés. Il faut leur donner des garanties. In Amenas est notre gagne-pain à tous, pas seulement nous mais tout le peuple algérien.» Abderraouf Benhamza, interprète à la CEIEC (China Electronics Import-Export Corporation) spécialisée dans les fibres optiques, indique que dans le cas de cette entreprise, son personnel chinois est resté à In Amenas. Ce qui a changé, en revanche, ce sont les restrictions imposées au personnel. Abderraouf confie que la société qu'il représente tourne, elle aussi, au ralenti. «Notre société ne compte que des travailleurs chinois. Depuis cette affaire, ils sont tous confinés à la base. Même traverser la route qui sépare le bloc administratif du parc, ils ne peuvent pas le faire. Avant, on avait juste deux policiers en civil qui veillaient sur notre base-vie. Aujourd'hui, il y a six policiers avec des kalachnikovs. A Ouargla par exemple, les expatriés peuvent conduire. Ici, même s'ils ont le permis international, ils n'ont pas le droit de conduire. Les travailleurs n'ont même pas le droit d'aller faire leurs courses. Il faut une escorte pour le moindre mouvement et, en ce moment, les forces de sécurité sont toutes mobilisées sur l'affaire de Tiguentourine. Un de mes collègues chinois qui n'a jamais parlé anglais et était exaspéré, a ramassé tous ses mots d'anglais pour me demander s'il y avait un avion pour Pékin à partir d'In Amenas, c'est dire…»