Le football est géré par la mafia…» . Cette phrase est prononcée par le ministre de la jeunesse et des sports pour exprimer son dépit suite à la mauvaise prestation des Verts en coupe d'Afrique des nations. Ces propos qui risquent de faire réagir la sphère de la balle ronde, notamment le président de la fédération de football qui serait directement visé en sa qualité de premier gestionnaire du football, n'ont pas de quoi surprendre même venant de la part d'un haut responsable de l'Etat qui doit en principe être tenu à la réserve. Ils traduisent en fait l'état de déliquescence dans lequel se trouve actuellement le sport-roi algérien dont la catastrophique sortie sud-africaine n'est que la confirmation, la partie visible d'une régression annoncée qui relève précisément d'une gestion sur laquelle il y a beaucoup à dire. En parlant de mafia et de gestion, le ministre n'a sûrement pas lancé des mots en l'air pour épater la galerie. Les mots sont bien placés pour dire que, d'une part, c'est l'argent occulte qui nourrit aujourd'hui le football algérien à son plus haut niveau, et dont les retombées sont ressenties par l'équipe nationale et, d'autre part, que c'est le professionnalisme instauré par Raouraoua depuis quelques années maintenant qui se trouve à l'origine du déficit structurel et organisationnel du football sur les plans aussi bien administratif, technique que financier. Tout le monde admet que notre football est malade, d'une part, de l'argent fou qu'il brasse sans produire les résultats escomptés et, d'autre part, de ses dirigeants qui sont plus là pour faire des affaires que pour… former. La preuve, pour monter une sélection nationale de niveau africain, on doit obligatoirement faire appel aux joueurs évoluant dans les clubs étrangers où le niveau de performance de ces derniers est jugé supérieur au nôtre. A quoi sert de professionnaliser notre sport-roi si celui-ci reste incapable de produire des joueurs qui ont véritablement le niveau international ? A part quelques maigres exceptions traduites par des talents reconnus, l'ensemble des potentialités versées dans cette nouvelle organisation du football n'arrive pas encore à sortir de son… amateurisme. La raison est que dans les clubs, on pense professionnel mais on agit en amateur. Il ne suffit pas d'avoir un terrain, encore que beaucoup de clubs n'en possèdent pas, et de l'argent pour prétendre à ce statut. Il faut, en plus des moyens humains et matériels, de la rigueur et de la compétence. Deux atouts essentiels qui font cruellement défaut à nos clubs, qui restent davantage tributaires de la valeur marchande de leurs effectifs seniors que du souci de la formation sur le moyen et le long terme qui doit commencer par les petites catégories d'âge. Quelle est la formation en Algérie qui peut prétendre accorder toute l'importance aux jeunes catégories ? Y a-t-il un championnat régulier de minimes, cadets ou juniors ? Ces questions ne sont plus d'actualité, et personne ne s'y intéresse de près. La raison est que les catégories jeunes ne sont pas solvables du point de vue business. On ne mise pas sur elles parce qu'elles ne rapportent pas d'argent. Financièrement, au contraire, elles sont coûteuses et autant alors les limiter à leur plus simple expression, juste parfois pour la forme. Non, il ne faut leurrer personne. Nos clubs dits professionnels ne travaillent que pour le match de la semaine, et donc pour le classement sans aucune perspective d'avenir. Pris en charge souvent par des dirigeants qui sont venus au football soit par accident ou par opportunisme, ils sont condamnés à tourner en rond, se contentant de la plus médiocre des performances locales pour se donner bonne contenance. Tout le monde sait que le professionnalisme tel qu'il a été engagé ne peut aller loin compte tenu du fait qu'il reste purement théorique par rapport aux grandes exigences qu'impose le professionnalisme universel – on n'invente rien –, mais tout le monde fait semblant que l'avenir du sport-roi en Algérie est assuré par cette nouvelle organisation à laquelle il faut accorder toutes les chances. Si le fiasco de l'équipe nationale n'est pas un élément d'analyse suffisant pour amener une autre réflexion sur le développement qualitatif de notre élite footballistique, que faut-il alors présenter comme argument pour forcer les hauts responsables de la balle ronde — et dont le ministère de la jeunesse et des sports est partie prenante intégrale — à réviser une copie qui vient de nous donner la pire des désillusions. Pour les observateurs avisés qui pensent que notre football d'élite a besoin de revenir à une gestion plus saine de ses affaires, la première action à entreprendre serait de mettre fin à l'anarchie du marché des joueurs et des entraîneurs qui ne répond pour l'heure à aucune norme. La seule loi qui prévaut actuellement dans ce marché est celle de la surenchère financière qui fausse toutes les données scientifiques de la règle de l'offre et de la demande. Il y a chez nous des joueurs qui ont des rémunérations faramineuses qui ne justifient nullement la valeur sportive sur le terrain. De même qu'on ramène des entraîneurs étrangers payés au prix fort, alors que leur qualification laisse vraiment à désirer. De plus, les clubs vivent avec une catégorie de dirigeants qui, avec leur fric, font la pluie et le beau temps, intervenant dans le travail technique au moindre résultat négatif, d'où cette valse d'entraîneurs chassés comme des malotrus, alors que la veille ils étaient encensés. Tout ça pour dire que si l'EN ne va pas bien, c'est d'abord la faute au bricolage qui est effectué dans nos clubs avec une démission de la FAF qui aggrave le constat. Il ne sert pas à grand-chose de blâmer tel ou tel joueur, tel ou tel entraîneur quand c'est le système en général qui est défaillant. Alors, parler de mafia c'est un peu fort, mais quand l'argent coule à flots dans la non-transparence pour faire régresser le foot, il y a forcément des vérités amères qui ne peuvent pas être tues.