«Le nouveau gouvernement aura pour unique mission la gestion des affaires courantes de l'Etat relevant de tous les ministères jusqu'aux prochaines élections», a déclaré M. Jebali. L'euphorie créée par la proposition de Hamadi Jebali de créer un gouvernement de technocrates n'a duré que moins de 24 heures. Le parti Ennahda a vite fait de désenchanter tout le monde. Une large frange de la classe politique a vu dans la proposition faite il y a 48 heures par le chef du gouvernement, l'islamiste Hamadi Jebali, une audace inattendue de la part d'une personnalité d'habitude réservée. En effet, M. Jebali a, selon toute vraisemblance, osé prendre des positions sans consulter la direction de son parti Ennahda, ni les autres partis politiques de la troïka et de l'opposition. Ce fut dans une brève allocution au peuple à la suite de l'assassinat de Chokri Belaïd que le chef du gouvernement a annoncé sa série de mesures, dont la principale : former un gouvernement de technocrates pour faire face à la crise. Le chef du gouvernement a annoncé la composition d'un gouvernement de technocrates dans lequel seules les compétences, n'ayant aucune appartenance politique, seront intégrées. Hamadi Jebali a souligné qu'il en a fait appel à sa conscience dans la prise de cette décision. Il a précisé que sa décision a été prise bien avant l'assassinat de Chokri Belaïd et cet acte ignoble n'a fait que l'inciter à accélérer l'annonce de cette déclaration. La situation ne pouvait plus attendre. M. Jebali a ajouté que ce nouveau gouvernement aura pour unique mission la gestion des affaires courantes de l'Etat relevant de tous les ministères jusqu'aux prochaines élections, notamment les questions prioritaires que sont l'emploi, la réduction de la pauvreté, la lutte contre la cherté de la vie, le développement régional et la sécurité. Il a tenu à souligner que les membres de ce gouvernement ne se présenteraient pas aux prochaines échéances électorales pour insister sur leur impartialité. Les réactions Ettakattol a exprimé son soutien aux propos de Hamadi Jebali et Nidaa Tounes a considéré que c'est une bonne base pour les discussions, surtout si elle s'accompagne d'une feuille de route claire des tâches fondamentales à exécuter afin de réussir la deuxième phase de la transition démocratique, à savoir la Constitution, les instances des élections, de la magistrature et des médias. Dans le même temps, tout le monde s'interrogeait par contre sur la réaction du parti Ennahda. Et si jamais Hamadi Jebali était assuré de l'aval de «son» parti. La surprise est venue avant-hier, lorsque plusieurs membres de la direction de ce parti ont refusé cette proposition, à commencer par Rached Ghannouchi lui-même. La direction nahdhaouie y a vu une contradiction avec les résultats des élections du 23 octobre 2011 qui ont accordé la victoire à ce parti. Ameur Laâreyedh et Sahbi Attigue parlent même d'inadéquation avec l'organisation provisoire des pouvoirs, la «petite Constitution». «Le chef du gouvernement ne peut changer tout son staff sans l'aval de l'Assemblée nationale constituante», a souligné Sahbi Attigue, président du bloc d'Ennahda à l'Assemblée. De son côté, Abdelhamid Jelassi, vice-président du mouvement et son coordinateur général, a exprimé dans une intervention sur Shems FM, relayée sur le site officiel d'Ennahda, le même refus. «Nous ne sommes pas d'accord avec cette position du point de vue de sa conception, car nous considérons que le pays a encore besoin d'un gouvernement composé de personnalités issues des partis politiques», a-t-il déclaré. «Nous allons revenir à l'Assemblée nationale constituante et chercher une nouvelle alliance gouvernante, s'il le faut», a ajouté M. Jelassi. Il a par ailleurs confirmé qu'Ennahda n'avait pas été informé au préalable de la décision de Hamadi Jebali. On chuchote déjà qu'une nouvelle troïka est en cours d'élaboration avec Ennahda (89 sièges), le CPR (15 sièges) et le bloc Wafa (10 sièges), ce qui réunit une majorité fragile de 114 sièges. La majorité absolue étant de 109 sièges sur les 217 membres formant l'Assemblée nationale constituante. On parle d'un nouveau chef de gouvernement. Le nom de l'actuel ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, un faucon, circule. Mais, tous les scénarios sont encore envisageables. Aux dernières informations, lors d'une rencontre entre le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, et l'universitaire et ancien président de l'Instance supérieure de réalisation des objectifs de la Révolution, Yadh Ben Achour, le chef du gouvernement a déclaré, hier, s'attacher à sa proposition d'un gouvernement de technocrates. «Je maintiens ma décision de former un gouvernement de technocrates. Je n'irai pas à l'ANC pour le plébisciter. La composition du gouvernement est presque prête», a-t-il dit. De son côté, le professeur Ben Achour a précisé que la décision de M. Jebali ne doit pas être regardée comme portant dissolution de l'actuel gouvernement, mais comme un remaniement ministériel qui ne requiert pas l'intervention du président de la République et de l'Assemblée nationale constituante au sens de l'article 15 de la loi relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics. Nous y reviendrons. Déclaration du PST Le PST condamne l'assassinat du militant tunisien Chokri Belaïd, figure historique depuis les années 1980 de la gauche radicale tunisienne, et assure les camarades du Watad et tous les militants de la gauche tunisienne de son soutien et de sa solidarité dans ce pénible moment de la lutte pour les libertés démocratiques et contre la nouvelle dictature des islamistes d'Ennahda et leurs alliés. L'assassinat du camarade Chokri Belaïd intervient au moment où le recyclage des mouvements islamistes via le pouvoir en Egypte et en Tunisie, par les puissances impérialistes, est dans l'impasse. En effet, la crise révolutionnaire ouverte par le soulèvement des travailleurs et des masses populaires, qui a entraîné la chute du dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011, remettait en cause, avant tout, le libéralisme économique qui avait engendré la misère sociale, la dictature d'un régime maffieux et antidémocratique et la mainmise des multinationales européennes et américaines sur l'économie et les richesses du pays, Or, les nouveaux maîtres d'Ennahda et leurs «milices fascisantes» veulent imposer une nouvelle dictature islamiste rétrograde et antidémocratique, le même libéralisme économique qui a entraîné le désastre social et la garantie des mêmes intérêts des parrains impérialistes du dictateur Ben Ali. Après l'attaque du siège de l'UGTT et l'agression de ses dirigeants en décembre 2012, la répression des mobilisations ouvrières et du mouvement démocratique depuis plusieurs mois, l'assassinat de Chokri Belaïd sonne comme un avertissement à tous ceux qui continuent à militer aujourd'hui en Tunisie pour les libertés démocratiques et les droits des femmes, pour une économie au service des besoins sociaux des travailleurs et des masses populaires et contre la domination des puissances étrangères. L'assassinat du camarade Chokri Belaïd nous attriste profondément, mais son combat ne peut être assassiné. C'est un combat porté par des dizaines de milliers de militantes et de militants, c'est un combat porté par des millions de travailleurs et d'opprimés en Tunisie dont la mobilisation unitaire imposera la liberté, le pain et la dignité. Le combat de Chokri Belaïd vivra ! Solidarité avec la gauche et les travailleurs tunisiens ! Pour les libertés démocratiques en Tunisie ! Halte à l'assassinat des militants de la gauche tunisienne !