Le guide de la Révolution libyenne, Mouammar El Kadhafi, renoue avec ses extravagances et ses sorties spectaculaires. Il vient de prouver, une nouvelle fois, qu'il est prêt à tout tenter pour faire revenir son pays sur la scène internationale et, surtout, à faire parler de lui. Quitte à prendre le risque d'entraîner la région dans une crise inextricable. Après avoir échoué à réaliser son « rêve » de créer, en 2000, les Etats-Unis d'Afrique (EUA), en remplacement de la défunte Organisation de l'unité africaine (OUA), le dirigeant libyen s'est distingué, lundi soir, en appelant les habitants du Sahara, principalement les tribus qui y vivent, à se réunir dans un ensemble formant « le Grand Sahara » qui s'étendrait du Sénégal à l'Irak. Le fantasque guide libyen a annoncé son nouveau « plan », destiné à protéger la région du Sahel des visées « néocolonialistes » et à la prémunir contre l'action des éléments des services de renseignements occidentaux qui y « grenouillent », alors qu'il se trouvait à Tombouctou, au nord du Mali, où il a participé, avec d'autres présidents africains, à la célébration du Mouloud. Mouammar El Kadhafi a rallié le Mali à partir du Sénégal où il était en visite officielle. « Nous ne devons pas prendre des armes contre nous-mêmes. Nous devons mettre en valeur notre Sahara pour vivre en paix, dans la sécurité et la stabilité. » Nous sommes une grande famille dans ce grand Sahara. Nous portons des armes contre nos ennemis et nous mourrons pour le Sahara », a plaidé, cité par l'agence Jana, le dirigeant libyen au cours de la prière d'el maghrib qu'il a dirigée à Tombouctou et qui a ponctué la fête de célébration du Mouloud organisée par les autorités maliennes, baptisée, à l'occasion, « grande cérémonie du défi islamique ». L'argument néocolonialiste et l'action des services étrangers Le colonel Kadhafi a prononcé son serment devant les chefs d'Etat du Sénégal, du Mali, du Niger, de la Sierra Leone et du colonel Ali Ould Mohamed Val, président du Conseil militaire mauritanien de la justice et de la démocratie. Le vice-Premier ministre de la Tchétchénie, le délégué général auprès du président de l'Union russe, Zid Mohamed Sissi, Louis Farrakhan, leader de la nation de l'Islam en Amérique, des chefs de tribus et des confréries soufies ont assisté également au prêche du Guide de la révolution libyenne. Pour concrétiser son projet de création du « grand Sahara » et le protéger contre « les ennemis », Mouammar El Kadhafi a préconisé à ses auditeurs la conclusion d'un pacte. « Les tribus du Sahara du Croissant fertile au fleuve du Sénégal ne doivent pas prendre les armes contre elles-mêmes. Nous sommes une même famille et nous devons protéger le Sahara contre les ennemis. Nous allons instituer le pacte de Tombouctou que nous devons tous signer. Il y a avec nous maintenant de rois, des sultans, des cheikhs, des chefs des tribus du Grand Sahara, des personnalités islamiques, des organisations et associations islamiques du monde entier et, avec nous aussi, Louis Farrakhan, leader de la nation de l'Islam », a-t-il déclaré. Le dirigeant libyen, qui n'a pas manqué, lors de son sermon, de tomber à bras raccourcis sur les pays occidentaux en raison de leur gestion de l'affaire des caricatures « insultantes » du Prophète, n'évoque pas l'utilité, par contre, de consulter les Etats dont le territoire, comme celui de l'Algérie, comprend pourtant la majeure partie du Sahara, pour étudier la faisabilité de son projet. Au contraire, en faisant l'impasse sur la nécessité de consulter les Etats et en s'adressant directement aux tribus, Mouammar El Kadhafi - qui a eu à réprimer dans le sang des manifestants libyens descendus dans la rue pour protester contre la publication, par la presse européenne, des caricatures du Prophète - prend ainsi le risque de faire payer cher à la région son « fantasme ». Son initiative consistant à considérer le Sahara comme un bien vacant sonne à tout le moins, aujourd'hui, comme une provocation. Plus, elle est assimilable à une tentative de déstabilisation des Etats de la région. En ce sens, l'idée du « grand Sahara » lancée à partir du Mali par le Guide de la révolution libyenne ne va pas sans rappeler le vieux projet financé et longtemps soutenu par certains pays de l'Europe de l'Ouest de créer une sorte de « Targuistan » entre l'Algérie, le Mali et le Niger pour faire main basse sur les ressources pétrolières et les mines d'or et d'uranium de ces trois pays.