Les groupes criminels activant dans le braconnage, le commerce illicite et la contrebande de corail sont très réactifs et inventifs. Leur structure organisationnelle n'a rien à envier à celle d'une entreprise qui ne lésine pas sur les moyens lorsqu'il s'agit de mettre ses employés à l'abri des risques d'accident de travail, rentabilité oblige ! Ils viennent d'introduire en Algérie la technique américaine de plongée sous-marine, à savoir la plongée aux mélanges suroxygénés ou à l'air enrichi Nitrox. Peu répandue dans le monde, car très onéreuse, ses avantages combinés signifient un gain supplémentaire de sécurité ainsi qu'une augmentation du temps de plongée sans décompression. Quelle est la particularité de la plongée au Nitrox ? «L'air est composé essentiellement d'azote (80%), d'oxygène (20%) et d'autres gaz, ce qui est peu avantageux et représente des risques lors des plongées avec des bouteilles gonflées à un mélange d'air et d'oxygène pour des profondeurs allant de 40 à 50 m, ou encore la plongée avec l'oxygène et l'hélium pour 50 à 70 m de profondeur. Le Nitrox est suroxygéné et contient moins d'azote. En revanche, lorsqu'on plonge avec du Nitrox, le pourcentage d'azote est diminué, tandis que le pourcentage d'oxygène est augmenté. De ce fait, le plongeur absorbera nettement moins d'azote pendant sa plongée», explique R. Merouche, diplômé en biologie marine de l'université Badji Mokhtar et ancien membre du club de plongée sous-marine de Annaba. En d'autres termes, ajoute-t-il, «le plongeur se sent généralement mieux pendant et après la plongée et peut rester plus longtemps en profondeur». C'est-à-dire suffisamment de temps pour faire une bonne récolte de branches de corail. Et en termes de prix, où se situe l'avantage ? «Un compresseur à bouteilles P18 (6, 8, et 12 m3) coûte environ 700 000 à 1,6 million de dinars, tandis que le prix d'une petite bouteille rechargeable à l'air enrichi Nitrox peut dépasser les 200 000 DA. Pour le moment, les compresseurs Nitrox n'ont pas encore été introduits en Algérie, les bouteilles sont gonflées à partir de grands blocs introduits par on ne sait quelle manière et dont le prix se négocie entre les barons du corail en millions de dinars», explique Gatta, un braconnier de la commune d'Echatt. Selon lui, ses «collègues» d'El Kala et de Annaba qui, comme lui, exercent en plongée sous-marine, sont souvent assistés par des plongeurs professionnels tunisiens formés par des Italiens. Ces derniers sont basés dans les villes côtières tunisiennes de Bizerte, Djerba et Tabarka. Durant leurs «missions», à 59 m des fonds de la plage d'échouage d'El Battah surtout, ils sont pris en charge par leurs «employeurs» et hébergés dans des habitations de fortune implantées dans les bidonvilles de Sidi Salem, cité Seybouse, Boukhadra et Sidi Amar, c'est-à-dire mêlés aux populations et évitant ainsi tout souci éventuel avec les services de sécurité. En outre, la ruée vers l'or rouge algérien, notre interlocuteur l'explique en affirmant : «Les vertus du corail rouge sont innombrables. Elles ne se limitent pas au domaine de la joaillerie ; en médecine, il est utilisé comme supplément et intervient notamment dans la chirurgie réparatrice, des protéines et des minéraux. De par sa qualité, l'une des meilleures au monde, notre corail rouge serait également utilisé dans l'industrie aérospatiale. Sa poudre, l'une des rares à pouvoir résister à la pression atmosphérique en très haute altitude, entre dans le processus de fabrication de la coque d'orbiteur des satellites.»