Le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, se livrait hier à d'ultimes consultations pour former un gouvernement apolitique, contre l'avis de son parti islamiste, alors que le pays connaît sa plus grave crise depuis la révolution. Il a d'ores et déjà assuré qu'il démissionnerait en cas d'échec à faire accepter son nouveau cabinet, dont il compte présenter la composition aujourd'hui, quatorze mois après son arrivée au pouvoir. Les discussions réunissent les principaux chefs politiques, dont ceux de la coalition au pouvoir, l'islamiste Rached Ghannouchi pour Ennahda, Mustapha Ben Jaafar pour Ettakatol, et Mohamed Abbou du Congrès pour la République (CPR), parti du président Moncef Marzouki. L'opposition y est notamment représentée par Béji Caïd Essebsi, chef de Nida Tounès, un parti centriste en plein essor, Néjib Chebbi, pour le Parti républicain et Kamel Morjane, ex-ministre du président déchu Ben Ali et chef du parti Moubadara (Initiative). La rencontre se déroulant à huis clos dans un palais de Carthage, en banlieue de Tunis, est entourée d'un imposant dispositif de sécurité qui tient les journalistes à distance. M. Jebali travaille à la composition d'un gouvernement sans personnalité politique depuis le 6 février, jour de l'assassinat retentissant de l'opposant Chokri Belaïd. Son propre parti Ennahda, le CPR et deux autres petites formations ont promis de s'y opposer, demandant un cabinet alliant politiques et technocrates. Si les députés de ces mouvements restent solidaires de leurs directions, ils disposent d'une majorité suffisante pour censurer M. Jebali à l'Assemblée nationale constituante (ANC), composée de 217 sièges. Il leur suffit de réunir 109 votes hostiles pour le faire. Jebali soutenu par l'opposition laïque Mais M. Jebali a assuré qu'il ne voulait pas passer par l'ANC, estimant ne pas avoir besoin d'un vote de confiance en s'appuyant sur «la petite Constitution», la loi du 16 décembre 2011 sur l'organisation provisoire des pouvoirs. Bizarrement, le texte ne prévoit pas de démission du chef de gouvernement, uniquement son «incapacité ou décès» ou son limogeage par l'ANC sans évoquer de vote de confiance. En cas de démission, le président Marzouki doit charger, selon ce même texte, un représentant du parti ayant le grand nombre de sièges à l'ANC pour former un nouveau gouvernement. Il s'agit en l'occurrence d'Ennahda qui a 89 élus. Ce dernier doit ensuite obtenir la confiance de l'ANC par une majorité simple. M. Jebali peut se targuer du soutien de l'opposition laïque, des organisations syndicale et patronale ainsi que d'une large part de la société civile pour qui ce gouvernement apolitique est la seule solution pour stabiliser le pays, deux ans après la révolution qui a renversé Ben Ali. Outre cette crise, la rédaction de la Constitution est dans l'impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime. M. Jebali a souligné que sa démarche visait aussi à accélérer ce travail pour organiser des élections au plus vite.