Le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali devra entreprendre demain de nouvelles consultations sur son initiative de former un gouvernement apolitique, reportant sine die la composition du nouveau cabinet et prolongeant la profonde crise politique dans le pays. «Il y a une évolution et des progrès sur tous les points soulevés (...) C'est pour cela que nous avons décidé de poursuivre les discussions lundi», a-t-il déclaré à la presse à l'issue de pourparlers avec les dirigeants des différents partis. Il a ainsi annulé sa décision de fixer à hier la date limite pour l'annonce du nouveau gouvernement apolitique, malgré l'hostilité de son parti islamiste Ennahda au pouvoir, et n'a pas évoqué de nouvelle date après cet énième report. «Les délais sont importants mais le plus important est l'intérêt de la Tunisie et de trouver une solution pour le peuple», a expliqué M. Jebali. Jeudi, il avait annoncé qu'il démissionnerait si la composition du gouvernement de technocrates qu'il appelle de ses vœux ne faisait pas le consensus, après une initiative qu'il avait lancée le jour de l'assassinat retentissant de l'opposant anti-islamiste de gauche Chokri Belaïd le 6 février. Son initiative a été rejetée par Ennahda qui propose en retour un cabinet alliant technocrates et figures politiques. Les discussions de vendredi ont réuni les principaux chefs politiques, dont ceux de la coalition au pouvoir, Rached Ghannouchi pour Ennahda, Mustapha Ben Jaafar pour Ettakatol et Mohamed Abbou du Congrès pour la République (CPR), parti du président Moncef Marzouki. L'opposition y était notamment représentée par Béji Caïd Essebsi, chef de Nidaa Tounès, un parti centriste en plein essor, Néjib Chebbi, pour le Parti républicain et Kamel Morjane, ex-ministre du président déchu Zine Al Abidine Ben Ali et chef du parti Moubadara. Les islamistes dans la rue Plus de 15 000 partisans du parti islamiste Ennahda au pouvoir, manifestaient hier dans le centre de Tunis pour défendre le droit du mouvement à diriger le pays qui traverse sa pire crise politique depuis la révolution de janvier 2011. «Dieu est le plus grand, avec la légitimité et pour l'unité nationale, le peuple veut Ennahda de nouveau, le peuple veut un Ennahda en acier», a scandé la foule sur l'avenue centrale Habib Bourguiba, haut lieu de la révolution. Ils ont aussi repris des slogans pour dénoncer les médias, le dirigeant d'opposition et ex-Premier ministre post-révolutionnaire Beji Caïd Essebsi, et la France, accusée d'ingérence depuis des propos du ministre de l'Intérieur Manuel Valls la semaine dernière parlant de «fascisme». Les manifestants brandissent des dizaines d'étendards du parti islamiste, de drapeaux nationaux, ainsi que quelques bannières noires de la mouvance salafiste. Ils tiennent aussi des pancartes marquées : «Nous sommes tous des frères et contre la violence», «Pour la défense de l'identité arabo-musulmane» ou encore «Média de la honte et de la sédition». La manifestation vise à défendre le droit d'Ennahda à diriger le pays alors que le Premier ministre Hamadi Jebali essaye depuis le 6 février et l'assassinat de l'opposant anti-islamiste Chokri Belaïd de former un gouvernement apolitique, contre l'avis de ce parti dont il est le numéro deux. La manifestation d'hier est la seconde à l'initiative d'Ennahda depuis l'assassinat. La première avait eu lieu le 9 février avec la mobilisation de quelque 3000 personnes seulement.