Simple coïncidence dans l'agenda ou bien visite calculée en termes de timing diplomatique ? C'est là la question que se pose une partie de l'opinion publique par rapport au séjour de Mohamed Bedjaoui aux Etats-Unis entre le 12 et 13 avril courant. Car juste 48 heures après la visite à Alger, de Phillipe Douste-Blasy, chef de la diplomatie française, notre ministre des Affaires étrangères s'est concerté hier à New York avec Condoleezza Rice, secrétaire d'Etat américaine. Les deux parties aborderont "le développement des relations bilatérales et les questions politiques internationales et régionales d'intérêt commun", selon un communiqué officiel algérien. Des rencontres avec "d'autres hauts responsables américains sont également prévues durant cette visite", affirme la même source. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont passés de 8,5 milliards de dollars en 2004 à plus de 11 milliards en 2005. Un indice d'une tendance qui renseigne sur une volonté commune de renforcer les flux de ces échanges. Dans l'étape actuelle du rapprochement algéro-américain, les dossiers liés à la lutte contre le terrorisme, à la question de l'armement et des équipements militaires, à l'approvisionnement en matières énergétiques et aux investissements américains seront au centre des discussions. Au plan régional, ajoute une source proche du ministère algérien des affaires étrangères, la recherche d'une solution juste et impartiale à la décolonisation du territoire du Sahara occidental prendra également une partie non négligeable des contacts entre Bedjaoui et Rice. Un tour d'horizon, poursuit-on, sera effectué par rapport à la situation sécuritaire, politique et économique qui prévaut dans les pays de la région du Sahel, notamment au Tchad. Les Etats-Unis ont énormément intérêt à stabiliser cette région de l'Afrique pour mieux sécuriser les gisements de produits énergétiques. L'Algérie qui possède sept frontières avec des pays africains est profondément enracinée dans ce continent. D'où la stratégie US à avoir un partenaire solide comme l'Algérie pour driver un certain nombre de projets dans cette partie du monde. Mais aussi et surtout à prendre en considération les "observations d'Alger" relatives à des détails que seule l'Algérie détient. Au niveau international, les développements inhérents au nucléaire iranien ainsi que la situation désastreuse autant en Palestine qu'en Irak ne manqueront pas d'être soulevés dans les contacts Bedjaoui-Rice. David Welch, secrétaire d'Etat-adjoint chargé des affaires du Proche Orient, de l'Afrique du Nord et de la péninsule arabique, en visite à Alger à la mi mars dernier, avait avoué que "sur certaines questions nous avons des points de vue différents" parlant de son pays et de l'Algérie. Cela tout en se félicitant qu'entre les deux Etats, il existe un "authentique partenariat". Narguait-il ainsi la France ? Il est vrai, en partie, que les relations entre Alger et Paris passent, actuellement, par une période de tiédeur, de l'aveu même de Bedjaoui. Pourtant, les deux capitales avaient affiché, avant notamment la loi du 23 février 2005, une volonté de signer un traité d'amitié. Un traité que la France n'a signé qu'avec l'Allemagne. Si bien qu'aujourd'hui, tout rapprochement avec un Etat est interprété comme étant au détriment d'un autre. Ceci par rapport à la France et aux Etats-Unis. Bien évidemment, l'Algérie parlera d'un réalisme qui n'a de lien avec aucun coup de gueule. Sauf que le forcing US a davantage fragilisé les passerelles qui existaient, bon gré mal gré, entre Alger et Paris.