Une déclaration qui intervient au lendemain de l'échec du chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, de débloquer le traité d'amitié. Un geste on ne peut plus symbolique de la part de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice à l'issue de ses entretiens, mercredi, avec le chef de la diplomatie algérienne Mohamed Bedjaoui. C'est la remise à son hôte d'une copie fac-similé du traité de paix et d'amitié signé le 5 septembre 1795 entre le Dey d'Alger et la République américaine. «Je veux vous le donner pour montrer à quel point l'amitié entre les Etats-unis et l'Algérie est ancienne.» Impressionné et ému par ce geste, le ministre des Affaires étrangères, après avoir remercié son homologue l'a invitée à effectuer une visite officielle en Algérie. L'Algérie fut, en effet, l'un des premiers pays au monde à avoir signé un traité d'amitié avec les Etats-Unis. Soit six ans après la Révolution française. De son côté, Mohamed Bedjaoui a estimé jeudi à Washington que la France n'avait «pas le même poids» en Algérie que les Etats-Unis, qui sont devenus progressivement le premier client de ce pays. «Les relations politiques, économiques, culturelles, sociales ou autres sont bonnes entre l'Algérie et la France mais il reste quand même dans les esprits quelque chose qui ne permet pas d'aller plus loin», a-t-il affirmé. Une déclaration faite en français, et qui intervient au lendemain de la visite du chef de la diplomatie française en Algérie, Philippe Douste-Blazy, qui n'a pas réussi à débloquer le traité d'amitié. Une situation qui a d'ailleurs été relevée par M.Bedjaoui, en indiquant que «le colonialisme a été une longue, longue nuit. Mais nous sommes indépendants depuis 44 ans et la page n'est pas encore complètement tournée malgré les efforts de nos dirigeants respectifs». En somme, indique le chef de la diplomatie algérienne «les opinions publiques ne sont pas encore prêtes pour tourner la page». Cependant, M.Bedjaoui a tenu à préciser que la place des Etats-Unis en Algérie, «ne signifie pas nécessairement que la France perd des atouts (...) mais face aux Etats-Unis, la France n'a pas le même poids». A noter que les Etats-Unis sont devenus le premier partenaire de l'Algérie avec un total des échanges, dominés par les hydrocarbures, s'élevant à 12 milliards de dollars en 2005. Au cours de son séjour à Washington, Mohamed Bedjaoui a eu des entretiens avec le sous-secrétaire d'Etat américain, chargé du Proche-Orient, David Welsh, Robert Zoellich, secrétaire d'Etat adjoint et John Negroponte, directeur national du renseignement. M.Negroponte, qui assume les fonctions de secrétaire d'Etat en charge de la coordination de près d'une vingtaine de services et agences de la sécurité et du renseignement aux Etats-Unis, a passé en revue avec son hôte la coordination entre les deux pays en matière d'échanges de renseignements et de la lutte antiterroriste. Un éventuel accord sur les extraditions a, également, été au menu des discussions entre M.Bedjaoui et ses hôtes américains. Surtout que Alger et Washington sont engagées, au cours de ces dernières années, dans un large programme de coopération sécuritaire, tissé autour de manoeuvres conjointes en Méditerranée et dans la région du Sahel, à travers les opérations Pan Sahel et Flint-Lock. Intervenant sur le thème de l'Algérie et la lutte contre le terrorisme, le ministre algérien a estimé qu'elle doit concerner et mobiliser la communauté internationale et englober tous les aspects aussi bien politiques, sécuritaires, militaires, diplomatiques qu'économiques et sociaux. «La lutte contre le terrorisme est de ne pas perdre son âme, et qu'il ne faut jamais et à aucun prix utiliser les mêmes méthodes que les terroristes, sinon nous devenons nous-mêmes des terroristes», martèle M.Bedjaoui, qui évoquait la décennie noire vécue en solitaire par l'Algérie. Sur le plan économique, le ministre des Affaires étrangères a annoncé qu'une délégation algérienne est attendue, au courant du mois prochain à Washington, pour examiner les questions liées aux négociations pour l'accession de l'Algérie à l'OMC. D'ailleurs, précise-t-il, les Américains ont commencé à déployer un mouvement d'ensemble pour aider l'Algérie à boucler rapidement ses négociations, à se mettre aux normes et standards de l'OMC et obtenir son siège au sein de cette institution. M.Bedjaoui a demandé, par ailleurs, aux hommes d'affaires américains de s'intéresser à d'autres secteurs que ceux des hydrocarbures et de l'énergie. Il est également question de mettre en oeuvre plusieurs autres accords, dont ceux intéressant notamment la garantie et la protection réciproque des investissements et la non double imposition. Au sujet de la décision prise par l'Algérie de rembourser par anticipation une partie de sa dette extérieure, notamment auprès du Club de Paris et du Club de Londres, le ministre a indiqué qu'il avait abordé cette question avec ses interlocuteurs américains, notamment avec Condoleezza Rice, qui lui a donné des assurances en vue de faciliter ledit accord. Enfin s'agissant du dossier sahraoui, qui doit être soumis incessamment au Conseil de sécurité, et c'est là aussi l'un des points de discorde entre Alger et Paris, Bedjaoui a relevé la concordance de vues entre Alger et Washington, tendant à régler ce conflit dans le cadre de la légalité internationale.