Pour la première fois de son histoire, la ville de Khenchela a abrité, hier, un colloque national sur «La région des Aurès à travers les différentes époques historiques». Des thèmes qui ont été animés par une pléiade de chercheurs venus de plusieurs universités. L'événement, qui s'étale sur deux jours (18 et 19 février) est organisé par le musée public national des Frères Martyrs Boulaâziz, sous l'égide de la wilaya de Khenchela et du ministère de la Culture, avec la collaboration de la direction de la culture et la maison de la culture Ali Souaïhi, où il se déroule. Il a attiré une assistance nombreuse, dont des moudjahidine, des universitaires et des étudiants. Pour mieux cerner la question, les organisateurs ont réparti les thèmes sur cinq volets, par ordre chronologique décroissant : la période de la Révolution algérienne, l'époque coloniale, l'avènement islamique, la présence romaine ainsi que les aspects culturel et social d'une vaste région au patrimoine riche et diversifié. L'occasion a été donnée à Mourad Betrouni, directeur de la protection juridique des biens culturels et de la valorisation du patrimoine culturel, représentant du ministère de la Culture, d'axer son intervention sur la stratégie de l'Etat pour la sauvegarde du patrimoine national. Une stratégie qui a pris du temps à se concrétiser en l'absence de textes juridiques. «Ce n'est qu'à partir de 1998 que nous avons mis en place les vrais mécanismes pour passer du principe de site à protéger à celui de patrimoine culturel à sauvegarder, en passant par le principe de la classification des sites sur la base de l'identité, la valeur historique et la dimension culturelle et sociale», a-t-il dit, tout en réfutant les accusations de certains intervenants qui déploraient l'état de dégradation des sites de la région des Aurès, à l'image de Timgad et du Medghassen. «Nous œuvrons surtout pour préserver ce qui existe, car il faut dire franchement que le ministère de la Culture n'a pas les moyens de sa politique s'agissant du non-lancement de certaines fouilles en l'absence de spécialistes dans le domaine, alors que nous rencontrons des difficultés pour trouver un directeur pour un nouveau musée», martèle-t-il. En présentant une intervention sur des martyrs de la résistance dans l'histoire de la région, le docteur Abdelaziz Laâmid, de l'université de Khenchela, a révélé qu'il avait rencontré des difficultés à cerner les contours du sujet. «La région des Aurès a enfanté, durant les âges, des hommes et des femmes de l'étoffe de vrais résistants et il serait délicat de pouvoir les citer tous», a-t-il noté, rappelant l'épopée de Takfarinas, ancien soldat de Rome qui incarna plus tard le personnage du premier résistant. Il y eut aussi Donatius, le religieux du IVe siècle de notre ère. Après la conquête française et la chute de Constantine en 1837, ce fut au tour de Ahmed Bey de mener cette résistance dans les Aurès jusqu'en 1849. Des rébellions qui vont durer jusqu'à 1916. L'intervenant a rappelé à ceux qui ne le savent pas que de nombreux faits historiques ont été complètement occultés et demeurent toujours méconnus. «Il s'agit de l'histoire de Bouziane Maâmar Benramdane, premier martyr de la guillotine, exécuté sur la place publique à Khenchela en 1912, parce qu'il refusait d'être mobilisé de force dans l'armée française», dit-il. Une histoire qui mérite d'être écrite, selon lui. Il a évoqué, outre les chefs de la région qui ont été à l'origine du déclenchement de la Révolution tels Ben Boulaïd, Ben M'hidi et Abbès Laghrour, le premier martyr de la région qui n'est autre que Ahmed Zitouni, tombé au champ d'honneur le 3 novembre 1954 à Seriana. «Il est nécessaire de mener un important travail de recherche et d'archivage, car la région a donné beaucoup à ce pays tout au long de son histoire», a-t-il conclu.