On a souvent tendance à oublier les conséquences des guerres, mais les combats au Tchad viennent de le rappeler avec acuité. C'est le sort des populations civiles, et dans le cas de ce pays et de ceux qui l'entourent, le Soudan principalement, c'est la question des réfugiés qui est ainsi posée. Elle a été soulevée avec force détails et accusations dès vendredi par l'organisation humanitaire américaine Human Rights Watch (HRW), et le même jour par l'Administration américaine. Notons au passage que ces ces centaines de milliers de personnes sont installées dans ces zones depuis des décennies pour avoir fui les guerres du sud Soudan, notamment, mais aussi au Tchad son voisin, théâtre de guerres interminables depuis son indépendance. Une situation dont on dit de part et d'autre de la frontière qu'elle est exploitée par différentes parties aussi bien les gouvernants, que les groupes armés, et même les ONG qui poursuivent d'autres fins que l'humanitaire. Mais aujourd'hui le fait est avéré, et l'idéal, dira-t-on, c'est que la paix revienne et s'installe durablement pour que ces réfugiés puissent retourner chez eux. Mais en attendant cette perspective bien lointaine malheureusement, les Etats-Unis ont donné vendredi un ferme avertissement au Tchad pour qu'il n'expulse pas les quelque 200 000 réfugiés soudanais, en représailles au soutien présumé du Soudan dans la rébellion contre le gouvernement en place au Tchad. Le porte-parole du département d'Etat Sean McCormack a lancé cet avertissement après la rupture des liens diplomatiques entre N'Djamena et le Soudan et la menace du président tchadien Idriss Deby Itno d'expulser les 200 000 réfugiés du Darfour qui se trouvent actuellement au Tchad. « Nous sommes en relation avec le gouvernement du Tchad pour qu'il nous confirme quelle est exactement leur position sur ce sujet et pour souligner, dans les termes les plus fermes possibles, qu'une telle action serait inacceptable », a souligné McCormack. « Nous appelons le gouvernement du Tchad à respecter ses engagements (...) pour fournir une protection à ces réfugiés », a-t-il dit, soulignant que Washington est incapable de dire si le Soudan est impliqué dans la rébellion contre le gouvernement du Tchad mais si une preuve était établie « ce serait très gênant ». « Très clairement, toute sorte d'aide apportée dans une incursion armée est un comportement inacceptable. C'est inacceptable de la part d'un voisin d'agir ainsi », a ajouté M. McCormack. Il a appelé les deux pays à rétablir leurs liens pour mettre un terme au bain de sang au Darfour (région sinistrée à l'ouest du Soudan) et au Tchad. Le président tchadien Idriss Deby Itno a annoncé vendredi la rupture des relations diplomatiques avec le Soudan, accusé de soutenir les rebelles du Front uni pour le changement (FUC), qui ont lancé jeudi sur N'Djamena un assaut sanglant, repoussé par les forces loyalistes. Les combats ont fait 370 morts chez les rebelles et une trentaine dans les rangs de l'armée. Une centaine de soldats loyalistes ont été blessés et 287 rebelles faits prisonniers, tandis que des sources humanitaires évoquaient une centaine de civils hospitalisés. Dès jeudi, le Tchad avait dénoncé une « agression programmée à partir de Khartoum ». N'Djamena accuse régulièrement le Soudan de financer et d'armer les rebelles, ce que Khartoum dément tout aussi systématiquement, rétorquant que le régime tchadien appuie les rébellions actives au Darfour. Paris, traditionnel soutien du président Deby, a lié vendredi à demi-mot les questions tchadienne et soudanaise, un porte-parole du Quai d'Orsay estimant que « les événements qui surviennent aujourd'hui ne sont pas totalement déconnectés de ce qui peut se passer dans la région ». Et d'évoquer « une vigilance renforcée de toutes les autorités françaises ». La Centrafrique, pour sa par,t a décidé la fermeture de sa frontière avec le Soudan, afin de ne pas « faciliter une agression contre le Tchad à partir de son territoire », a indiqué vendredi le ministère centrafricain des Affaires étrangères. Alors que le régime Deby affirme avoir totalement brisé l'offensive rebelle, la situation restait toujours incertaine à l'intérieur du pays, où aucune information indépendante n'était disponible sur la situation militaire. Le FUC a affirmé de son côté n'avoir effectué qu'un « repli tactique », accusant la France, qui dispose au Tchad de quelque 1350 hommes et de six chasseurs Mirage F1, d'avoir pilonné ses troupes montant à l'assaut de la capitale. Paris avait démenti dès jeudi ces accusations, mais a reconnu avoir transporté jeudi soir et vendredi matin des soldats tchadiens vers Sahr, importante localité du sud du pays, située à une centaine de kilomètres de la frontière centrafricaine. Le ministre de la Défense a déclaré que les combats de jeudi dans la ville d'Adré, à 800 km à l'est de N'Djamena sur la frontière soudanaise, avaient fait 150 morts, 200 blessés et 200 prisonniers dans les rangs du FUC. Mais la réalité des conflits en Afrique est faite de replis et de reprise des combats. Le Tchad en a donné la preuve.