La capitale tchadienne était calme hier après le retrait des rebelles qui ont néanmoins enjoint à la population de quitter la ville. Hier c'était l'expectative au Tchad où un calme précaire régnait après le départ des groupes rebelles qui avaient occupé la capitale N'Djamena durant quarante-huit heures. Que faut-il en supputer? Les rebelles se sont-ils retirés de leur propre gré en bon ordre en prenant date pour un retour plus probant, ou ont-ils été défaits, comme l'affirme un général de l'armée tchadienne? En réalité, en l'état actuel des informations en provenance du front tchadien, rien n'est aussi évident et les acteurs des dernières violences, qui ont meurtri N'Djamena, donnent plutôt l'impression que ce qui s'est passé ces derniers temps n'est qu'un avant-goût des batailles à venir qui seront plus décisives pour la main-mise sur le pouvoir au Tchad. D'où la précarité d'une situation qui reste au demeurant assez confuse. C'est ainsi que l'un des porte-parole de la rébellion, Abderaman Koulamallah, a indiqué aux agences de presse qu'ils «se sont (...) retirés de la ville», affirmant cependant: «On est tout autour (...). On va certainement repasser à l'offensive, on demande à la population civile de N'Djamena de partir immédiatement car sa sécurité n'est pas assurée.» Faisant écho à cette exigence, des milliers d'habitants de la capitale se dirigeaient hier vers le Cameroun voisin et plus particulièrement vers la ville de Kousseri selon un porte-parole du HCR, qui rapportait des déclarations du préfet de la ville camerounaise. Le ministre des Mines tchadien, le général Mahamat Ali Abdallah, commandant des opérations du gouvernement, fait lui une autre lecture du retrait des rebelles, assurant que «l'ennemi (était) complètement en débandade», soulignant: «Leur but était uniquement la destruction de la ville, ils se retirent parce qu'ils n'ont pas le choix»; avant de conclure: «Le temps va vous montrer qu'ils sont défaits.» Plus nuancée, une source militaire, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a indiqué dimanche soir que «les rebelles ont été repoussés en dehors de la ville, ils sont après la sortie est» et d'ajouter: «Cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de combats lundi (hier), on verra s'ils ont conservé leur capacité d'attaquer.» Cette source n'a pas exclu, par ailleurs, le fait qu'il puisse y avoir des «éléments dormants» de la rébellion cachés en ville. Il est patent que les prochains jours départageront les deux points de vue et diront qui a raison si l'on excipe du fait que les rebelles tchadiens qui ont déjà fait, l'an dernier, une tentative similaire contre la capitale N'Djamena, restent une menace constante pour le pouvoir du président Idriss Deby Itno qui, le moins qui puisse être dit, n'a pas réussi à stabiliser le pays et à neutraliser une rébellion très active, ces dernières années. Cela d'autant plus que la capacité de la rébellion à rebondir et à reprendre son assaut sur la capitale demeure en fait méconnue. Les choses se sont encore compliquées avec les accusations portées par N'Djamena contre le Soudan, et le tenant pour responsable dans les attaques contre la capitale tchadienne par la rébellion. C'est ce que le ministre des Affaires étrangères du Tchad, Ahmat Allami, a encore réitéré hier. Selon lui, l'attaque lancée contre N'Djamena visait à «installer un pouvoir à la dévotion du Soudan pour fermer une fenêtre sur la crise du Darfour». M.Allami a, en outre, affirmé: «Nous serons obligés de riposter de toutes les façons et demandons à la communauté internationale de nous soutenir contre l'agression soudanaise». Accusations rejetées, sans surprise, en bloc par Khartoum qui nie toute implication dans les derniers événements qui ont ébranlé le Tchad. «Ce qui se passe au Tchad est une affaire interne et le Soudan n'a rien à y voir», a encore répété hier le porte-parole des forces armées soudanaises, Othman Mohammed El-Agbach, confirmant le premier démenti, dimanche, du gouvernement soudanais, selon lequel Khartoum n'a rien à voir avec ce qui se passe depuis le début de la semaine au Tchad. «Les informations sur une participation de l'aviation soudanaise à certaines opérations offensives au Tchad sont sans fondement et rien ne les prouve», a par ailleurs indiqué le porte-parole de l'armée soudanaise. En fait, le Soudan, piégé dans l'affaire du Darfour mitoyen du Tchad, est fortement soupçonné par la «communauté internationale» de vouloir retarder le déploiement de l'Eufor (European Force), force mise sur pied par l'Union européenne avec pour objectif de sécuriser les réfugiés du Darfour, de servir de tampon entre le Soudan et le Tchad et de limiter les infiltrations au Tchad venant du Soudan voisin. Khartoum soutient que rien de tel n'est vrai et qu'il n'est pas dans ses intentions d'entraver la mission européenne de maintien de la paix. Le déploiement de cette force -qui a débuté il y a quelques jours- a été arrêté, dimanche, jusqu'au retour du calme au Tchad. Toutefois, Javier Solana, le diplomate en chef de l'UE, a «souhaité», hier, le maintien de l'opération militaire européenne au Tchad, même si le déploiement de la force est pour l'instant suspendu en raison des combats dans le pays. «Bien sûr, nous n'allons pas continuer le déploiement, nous l'avons arrêté ces derniers jours pour voir comment la situation allait évoluer sur le terrain. Mais nous souhaitons maintenir l'opération», a indiqué M.Solana dans une déclaration à la presse.