Leïla Benammar Benmansour a signé, aux éditions Alger Livres, Ferhat Abbas, l'homme de presse. Un livre dédié à la mémoire de 100 journalistes algériens assassinés (dont 12 femmes) et deux disparus durant la triste période appelée «décennie noire» (1992-2002). Grande spécialiste de Ferhat Abbas, l'auteure et universitaire Leïla Benammar Benmansour revient, dans son intéressant ouvrage, sur l'homme de presse qu'était Ferhat Abbas. En effet, le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), décédé dans l'anonymat en décembre 1985, décoré toutefois par le président Chadli Bendjedid en 1984, était un journaliste hors pair. Il avait su instaurer un certain équilibre entre sa vie d'homme politique avec celle de journaliste. Dans l'introduction, l'auteure indique que «consacrer un ouvrage à Ferhat Abbas, l'homme de presse, est dans l'ordre des choses, parce que tout en étant un homme politique d'envergure, il avait le journalisme pour passion. Durant tout l'itinéraire de sa vie, il a mené de pair la profession de journaliste et celle d'homme politique parce qu'il avait compris, très tôt, que la presse, en tant que média de masse, est une arme redoutable dont il faut se servir et notre homme avait l'art de s'en servir». Durant les années 1920, alors étudiant en pharmacie, il s'impliqua dans la question algérienne et en réponse aux algérianisés, il se lance dans l'écriture d'un certain nombre d'articles politiques de haut niveau et ce, dès l'âge de 22 ans. Il signait ses articles sous le pseudonyme «Kamel Abencérages» en hommage à l'homme d'Etat turc Mustapha Kemal pour avoir modernisé son pays. Il travaille ensuite dans L'Entente franco-musulmane, journal hebdomadaire de la Fédération des élus du Constantinois, où Ferhat Abbas fut rédacteur en chef et administrateur à partir de 1937. Sa passion pour le journalisme était telle, qu'il déclare en 1938, dans le journal où il travaillait, qu'il caressait le rêve de créer son propre journal. Pour réaliser ce vœu, il fallait au préalable être naturalisé Français ou encore le créer au nom d'un Français. «Pour cet homme politique en pleine ascension, pouvoir créer son propre journal lui permettrait de ne plus quémander une tribune, car écrire chez les autres, c'est être obligé de s'aligner sur la ligne de conduite de leur journal, même si les directeurs de journaux qui lui avaient accordé leur colonnes lui ont permis de s'exprimer en toute liberté de ton». Finalement, c'est le 15 septembre 1944 que Ferhat Abbas a pu créer son propre journal, Egalité. Son journal est suspendu car il est arrêté après la tragédie du 8 Mai 1945. Après sa libération, onze mois plus tard, il lance un nouveau journal baptisé La République algérienne. Dix ans plus tard, il décide de fermer les portes de son journal pour rejoindre les rangs du FLN. Dans son livre, l'universitaire souligne que dans «l'itinéraire prodigieux de cet homme politique journaliste, une question majeure, qui est celle de l'éducation des masses, sur laquelle il avait non seulement insisté tout au long de sa vie politique et dans nombre d'articles, jusqu'à son livre posthume Demain se lèvera le jour, mais en avait fait une condition sine qua non d'une indépendance réussie». Leïla Benammar Benmansour Ferhat Abbas, l'homme de presse. (237 pages. Alger Livres Editions. Février 2013)