Des interventions pertinentes, brillantes pour la plupart et surtout inspirées ont caractérisé la 4e édition du Colloque international sur Kateb Yacine, qui s'est déroulé du 24 au 27 février à la salle de cinéma El Intissar de Guelma. L'assistance, constituée d'étudiants, d'enseignants, d'hommes de culture et de quelques proches de l'écrivain de la tribu des Keblout, a eu, hier encore, le franc plaisir d'accueillir une série de communications sur cet écrivain inépuisable qui n'en finit pas de surprendre. «Avec le cycle de Nedjma, face à la fulgurance de l'écriture katébienne, la critique doit être réinventée», disait justement Zeïneb Ali Benali-Labidi, professeure à l'université Paris VIII Vincennes, Saint-Denis, qui a axé son travail sur «Les figures de résistance dans l'œuvre de Kateb Yacine». C'est au lendemain des manifestations du 8 Mai 1945, que s'opéra une explosion chez cet adolescent doué d'une lucidité hors du commun. «J'ai découvert les deux choses qui me sont chères : la révolution et la poésie», avait-il avoué. L'oratrice rappelle qu'à 18 ans, Kateb restitua à l'Emir Abdelkader sa dimension historique, faisant de lui quelqu'un qui a prise sur l'histoire. Sa poétique, il ne la cherche pas, il ne l'invente pas, elle lui est donnée. «Kateb a une démarche qui sera celle des essayistes maghrébins, déconstruire le discours colonial pour faire émerger une autre figure». Mansour M'henni, écrivain et professeur au Laboratoire d'étude en culture TC, à Tunis, livre un titre «provocateur», selon ses propres mots : «Brachylogie et poélitique'katébienne dans le cycle de Nedjma», qui est, explique-t-il, une figure de rhétorique due à Aristote et Platon, qui permet de dire beaucoup en peu de mots. «Pour Kateb, insiste-t-il, il n'y a pas de discours politique qui ne soit fondé sur une certaine poétique. Changer le discours, changer les choses, parce qu'il a touché du doigt cette vision qui le mène vers l'engagement fondamental.» Bouziane Benachour, écrivain et dramaturge, part, quant à lui, de cette réflexion : «Donner du sens nouveau aux mots de la tribu avec des mots de ceux qui ont détruit sa tribu» pour aborder toute la portée du théâtre katébien, qui s'articule autour de l'actualité directement inspirée par la lutte anticolonialiste, le sort réservé aux plus faibles des siens, les moins nantis économiquement. Kateb Yacine est ainsi dans une pluralité magique, énigmatique, éternellement poétique, qui se laisse parfois deviner. C'est grâce également à Benamar Mediène que le public fera la découverte du film Poussière de juillet (1967), une fresque en images graphiques d'Issiakhem inspiré du poème de Kateb. Trois autres communications suivront, dont celle de la Tunisienne Rabaâ Ben Achour, professeure de littérature française, qui, de son propre aveu, n'est nullement spécialiste de Kateb Yacine, mais «le porte dans son cœur». «Ma Tunisie est proche par ses hommes et son histoire de l'Algérie», a-t-elle relevé, avant de livrer sa brillante analyse : «Du soliloque au discours éclaté, écriture littéraire de la révolte et de l'engagement dans les œuvres de Kateb Yacine de 1946 à 1962 ». Deux jeunes doctorants, Mohamed Yefsah (université de Lyon) et Sihem Kharoubi (université de Tiaret) clôtureront les séances avec respectivement «Lutte nationale et lutte de classes dans Nedjma», et «Littérature et révolution algérienne, raconter l'histoire à travers les écrits de Kateb Yacine».