La 4e édition du colloque sur la vie et l'œuvre de Kateb Yacine (du 24 au 27 février), organisée par l'association Promotion, tourisme et culture de Guelma, à la salle de cinéma El Intissar, s'est achevée par un dernier hommage, en arabe classique, à «la tribu martyre des Beni Keblout et à son engagement constant dans la lutte contre le colonialisme», rendu brillamment par Mustapha Seridi, l'un des pionniers de l'enseignement à Guelma, par ailleurs homme de culture, écrivain et poète. «L'on ne peut, note-il, parler de Kateb Yacine sans évoquer sa tribu, sa famille et son environnement. Beaucoup l'ont condamné sans le comprendre...». Il rappellera les représailles et les atroces exactions dont fut l'objet la tribu des Beni Keblout de la part de l'armée française dès 1852, notamment après la découverte des corps du couple français gisant dans une grotte, à Aïn Ghrour, (source aux illusions, selon la traduction de Kateb lui-même, ndlr), pénates de la tribu. «Cette tribu fière et intrépide, dont le colonisateur a quasiment décimé la branche mâle et morcelé ses membres, en leur confisquant ce nom de Keblout, le remplaçant par la fonction, Kateb, Cadi, Abassi, Nafaâ…, - comme d'ailleurs cela a été le cas pour la tribu des Beni Ouarzedine, - dont descend la famille Boukharouba et bien d'autres, est comme un arbre béni d'où jaillit la lumière et l'espérance. Elle est connue pour sa bravoure, son intelligence et sa piété. Leur zaouia rayonnait sur la région ; elle était ouverte à l'érudition et à l'enseignement du Livre sacré. Kateb a hérité de tout cela, il était en avance sur son temps ; quand il compara les minarets des mosquées à des fusées qui ne décollent jamais, il faisait allusion à ces imams à l'esprit étriqué qui ne font rien pour instruire le peuple ou combattre l'ignorance et la superstition, ce qui lui valut l'anathème de ceux qu'il dérangeait, ou ceux qui ne pouvaient sonder son génie.» Selon l'orateur, Kateb Yacine n'a pas encore livré toute sa pensée, trop complexe du reste pour être assimilée. Elle nécessite du temps et beaucoup de patience. «Moi-même, a-t-il ajouté, j'ai mis des années à lire et à relire ses œuvres, surtout Nedjma, évidemment où se trouve à mon sens toute sa philosophie et l'histoire de sa tribu.» En conclusion de sa communication, que l'assistance a suivie avec un intérêt appuyé, il lira un poème qu'il composa à la mémoire de cette prestigieuse tribu et à son enfant prodige, qui tordit le cou à la langue française en réussissant la gageure de transcrire en français le parler algérien. La magie du verbe katébien se poursuivra avec la visite des hôtes du colloque à Aïn Ghrour, la terre mythique des Beni Keblout, une vallée encaissée à une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau de Guelma, où nous fûmes accueillis par quelques membres de cette tribu, des Kateb notamment, qui s'adonnent encore aujourd'hui à l'élevage et au travail de la terre. La stèle, un majestueux «kef» tourné vers le ciel, - lettre de l'alphabet arabe - et en même temps Kef, pic rocheux du nom d'un ancêtre Sayah, érigée l'année dernière à la mémoire de Kateb Yacine, semble veiller sur cette terre d'apparence si paisible, et que, cependant, doit sûrement hanter une épopée de tourmente.