Qu'est-ce que cette Armée islamique en Irak ? Qui sont réellement ses animateurs ? Quels sont les véritables desseins de ceux qui se cachent derrière ce qualificatif ? L'enlèvement des deux journalistes français serait-il accidentel et non délibéré ? Autant de questions qui, pour l'heure, restent sans réponse. L'Armée islamique en Irak, groupe qui a revendiqué samedi soir l'enlèvement des deux journalistes, a donné à la France 48 heures pour qu'elle annule sa loi interdisant le port des signes religieux ostensibles dans les écoles publiques. C'est la première fois qu'un groupe armé revendique une action d'ordre interne, l'exigence de l'Armée islamique n'a rien à voir avec la situation en Irak. Il ne fait pas de doute que l'enlèvement de Christian Chesnot de Radio France et Georges Malbrunot, travaillant notamment pour le quotidien Le Figaro, n'est ni dans l'intérêt des Irakiens ni dans celui de la communauté musulmane de France, bien au contraire. Les réactions unanimes, fermes et sans équivoque des organisations religieuses et laïques des musulmans de France en attestent clairement lorsqu'elles affirment que la loi sur le port de signes religieux ostensibles à l'école est une affaire interne à la société française et qu'elles mettent en garde contre tout amalgame entre l'extrémisme religieux et l'Islam. Les représentants des musulmans de France ont unanimement condamné la prise d'otages, jugeant que la revendication nuisait à la communauté musulmane en France. Désapprobation Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, a déclaré que « la communauté musulmane doit se démarquer de ces agissements condamnables par l'Islam et ne donner aucune réaction qui indiquerait que ces gens agissent dans son intérêt ». Quant aux Irakiens, aussi bien l'homme de la rue que les dirigeants politiques ou religieux, leur désapprobation est tout aussi éloquente. « Nous demandons aux ravisseurs de relâcher immédiatement les deux journalistes français. Nous sommes contre ces enlèvements. La France a défendu la cause de l'Irak avant la chute du régime de Saddam Hussein et après sa chute. Et nous ne voulons pas perdre une amie », a appelé cheikh Abdoul Sattar Abdoul Jabbar, l'un des principaux porte-parole du mouvement salafiste irakien. Le comité des oulémas musulmans (sunnites) a demandé hier aux ravisseurs de libérer les deux otages français. « Nous sommes contre ces enlèvements, surtout quand il s'agit de journalistes, parce qu'ils sont notre voix en Irak. La France a défendu la cause de l'Irak avant la chute du régime de Saddam Hussein et après sa chute. Et nous ne voulons pas perdre une amie », a déclaré un membre de ce comité. Un groupe salafiste irakien, le comité Irchad wal Fatwa, a également appelé les ravisseurs des deux journalistes français à les libérer « en reconnaissance de la position de la France », opposée à l'intervention américaine dans ce pays. Ce groupe demande cependant au gouvernement français de « revoir sa décision sur le voile ». L'Armée islamique en Irak s'est fait connaître par le rapt suivi du meurtre filmé, la semaine dernière, du journaliste italien Enzo Baldoni. Ce groupuscule s'est illustré par une parfaite maîtrise de la communication. Selon certaines sources, à Paris, les membres de l'Armée islamique pourraient être proches d'Ayman Al Zawahiri, écrit Le Parisien, rappelant que le n°2 d'Al Qaîda, en février dernier, condamnait déjà la France qui venait d'adopter la loi interdisant le port de signes religieux à l'école. Selon les services spécialisés, cités par Le Parisien toujours, ce groupe n'aurait pas de lien direct avec Al Qaîda. Les experts évoquent notamment le mode opératoire qui a été utilisé pour tuer Enzo Baldoni : une balle dans la tête. Or les groupes islamistes liés à Abou Moussab Al Zarkaoui, considéré comme le nouvel homme fort d'Al Qaîda, ont décapité leurs victimes. Pour une organisation apparue récemment sur le devant de la scène, l'Armée islamique en Irak ne manque pas de moyens, relève pour sa part Libération. Le quotidien note que c'est par un film de propagande, distribué discrètement en février dans les cercles salafistes de Baghdad, que cette milice sunnite a annoncé sa naissance. Et d'ajouter que « les autres factions armées, nationalistes ou religieuses se contentent généralement de punaiser une affichette à l'entrée des mosquées. Dans cette vidéo de bonne facture, le groupe, alors inconnu, se présentait déjà comme disposant d'une structure extrêmement hiérarchisée, composée de plusieurs “brigades” spécialisées (renseignements, infanterie, missiles), centralisées par un commandement général ».