La chute du régime de Saddam Hussein a-t-elle rendu le monde plus sûr, le terrorisme moins nuisible ? A l'heure du bilan d'une année de présence américaine en Irak il y a lieu de déchanter, tant aucun des objectifs, officiellement avancés par les Etats-Unis, motivant la guerre en Irak n'ont, à ce jour, été atteints. Les armes irakiennes de destruction massive (ADM) n'ont toujours pas été trouvées et tous les experts du monde sont unanimes à estimer aujourd'hui que les affirmations du président américain, George W.Bush, lors de son discours sur l'état de la Nation le 28 janvier 2003 — affirmant la possession par Bagdad d'armes prohibées - s'avère être, - à la lumière des informations aujourd'hui connues - dans le meilleur des cas de la mauvaise foi, sinon un mensonge, sans doute les deux à la fois pour faire bonne mesure. De fait, le candidat démocrate à la présidentielle américaine, de novembre prochain, John Kerry, n'hésite pas à accuser M.Bush, d'avoir «menti» au peuple américain, notamment à propos des ADM irakiennes. Dans une déclaration faite jeudi dans le cadre de la campagne électorale, le président sortant George W.Bush, affirme: «Parce que les Etats-Unis ont agi avec leurs alliés, un Etat qui soutenait le terrorisme a été éliminé». Une contrevérité manifeste, si l'on excipe du refroidissement des relations entre la France et l'Allemagne, notamment, et les Etats-Unis à propos de l'Irak. Aussi, à l'exception de la Grande-Bretagne, les USA ont dû forcer la main à leurs «alliés» pour qu'ils s'engagent dans l'aventure irakienne. L'Irak saddaméen soutenant le terrorisme reste également un fait peu crédible comme le note fort opportunément, d'ailleurs, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, qui déclarait vendredi «Restons-en aux faits: le terrorisme n'existait pas en Irak avant la guerre», constatant «aujourd'hui, ce pays est l'un des principaux foyers du terrorisme mondial». Dans l'un (ADM) ou l'autre cas (terrorisme) l'agression des Etats-Unis contre l'Irak du dictateur Saddam Hussein ne se justifiait donc pas. Dès lors, quels étaient les vrais desseins de Washington sur l'Irak, outre le désarmer et neutraliser le terrorisme? Or, alors que les Etats-Unis essuient une série d'échecs dans cet Irak ‘'libéré'', le président Bush voit maintenant grand en élargissant son interventionnisme à tout le Moyen-Orient, mettant en avant un nébuleux projet du «Grand Moyen-Orient» allant du Maroc au Pakistan. En vérité avec ce nouveau projet, qui n'est en réalité qu'un moyen de resserrer l'étau sur les pays de cette région, George W.Bush et les néoconservateurs de son administration cachent à peine leur intention de désarmer, et de mettre sous haute surveillance, le monde arabo-musulman, à l'exclusion certes d'Israël, -un pays sur-armé et disposant de l'arme nucléaire-, tête de pont de l'Occident et plus que jamais citadelle avancée des Etats-Unis dans cette région recelant les plus riches gisements de gaz et de pétrole dans le monde. En fait, la guerre en Irak n'a résolu aucun des problèmes que rencontraient les Irakiens, singulièrement, le reste du monde plus généralement. A contrario, comme le relève le quotidien londonien The Independant, à propos du conflit irakien, cela a été «une année de guerre qui a rendu le monde plus dangereux» soulignant: «Même quand nous étions les plus pessimistes, nous avons sous-estimé la futilité du prétexte et la gravité des conséquences (de cette intervention)» constatant que la situation en Irak constitue aujourd'hui le «meilleur agent de recrutement du terrorisme». En vérité seule l'administration Bush et son allié britannique, Tony Blair, ne voient pas, ou feignent de ne pas voir, les conséquences négatives de l'intervention musclée de leurs armées en Irak. C'est encore l'ancien secrétaire général du PCUS et père de la Perestroïka soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, qui résume le mieux l'opinion mondiale actuelle sur la situation induite par la guerre en Irak en affirmant «Chaque jour nous voyons les conséquences de l'invasion erronée de l'Irak (...). La démocratie ne peut être imposée par les tanks et les missiles, mais par le respect des autres peuples et de la loi internationale» précisant: «Personne ne doute de la puissance économique, militaire et démocratique des Etats-Unis (...) Nous reconnaissons cela et le fait que (Washington) peut-être un leader mondial. Mais nous ne croyons pas à un leadership par la domination». Un avis évidemment pas partagé par le président Bush qui estimait hier que le Moyen-Orient a été «débarrassé (...) d'une cause majeure d'instabilité», donnant en exemple aux peuples de la région «ce que peut-être la vie dans un pays libre(l'Irak)» affirmant «Nous ne remettrons jamais l'Irak aux terroristes qui visent notre propre destruction. (...) Quoi qu'il en coûte, nous combattrons et travaillerons pour assurer le succès de la liberté en Irak». L'Irak appartient-il aux USA, est-il une colonie américaine? L'exaltation du président américain à propos de ce pays le laisse quelque peu supposer. Or, les Irakiens sont libres pour autant qu'ils n'outrepassent pas la liberté que Washington, magnanime, veut bien leur accorder, car comme le déclarait encore, vendredi, le président américain «Il n'y a pas de terrain neutre». Ce qui veut dire que ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous, autrement dit, les Etats-Unis n'accorderont liberté et protection qu'à ceux qui sauront reconnaître la nécessité de se mettre sous le parapluie de l'Oncle Sam. Les autres, tous les autres, catalogués de terroristes, seront impitoyablement pourchassés. En d'autres termes, la politique de la canonnière est plus que jamais de mise dans le nouvel empire américain.