Placée cette année sous le générique «La littérature et l'évasion», cette manifestation, organisée par la délégation de l'Union européenne, s'est ouverte hier matin et s'achèvera aujourd'hui à l'hôtel El Djazaïr. S'étalant sur deux jours, ce rendez-vous annuel incontournable dont le thème choisi cette année est «La littérature et l'évasion», regroupe 18 écrivains provenant de 9 pays européens, dont l'Espagne, la France, la Grèce, la République tchèque, la Hongrie, l'Autriche, l'Italie, la Roumanie et la Belgique. Le coup d'envoi de cette 5e rencontre a été donné hier matin par l'ambassadeur et le chef de la délégation de l'Union européenne, Mark Skolil. Dans son discours d'ouverture, ce dernier a rappelé à la nombreuse assistance que ce rendez-vous littéraire annuel, qui s'inscrit désormais dans le paysage culturel algérois, se veut un espace de rencontre et de dialogue interculturel entre les écrivains algériens et européens. «‘‘La littérature et l'évasion'' est un thème choisi comme pour échapper aux lourdeurs quotidiennes et aux soucis de l'époque, un thème que nous espérons rassembleur et porteur d'ouverture, d'inspiration et d'espoir en ces temps marqués par des crises et des crispations de toutes sortes». Ainsi, l'ensemble des écrivains qui se sont succédé hier ont tenté de confronter leurs expériences dans le domaine de l'écriture, dans le cadre de trois ateliers : «La réalité à travers la fiction : transcender le vécu pour conquérir sa liberté», «Le roman comme voyage à travers soi : introspective ou évasion» et «Ecrire et lire pour vivre plusieurs vies à la fois». Dans sa communication intitulée «La littérature comme évasion, l'évasion comme délivrance», le journaliste, écrivain et poète roumain, Nicolae Prelipceanu, a brossé l'époque du nazisme à nos jours, avec une note de tragique et d'humour à la fois. La littérature, selon lui, est un vaste moment d'évasion. Le régime totalitaire, ou nazisme, n'a laissé personne s'évader. Aujourd'hui, les jeunes s'évadent à travers la musique. Abdelhabib Benmahadjoub, alias Habib Ayoub, a, dans son intervention intitulée «La littérature de l'évasion et de l'aliénation», estimé que la littérature peut ressembler à une auberge espagnole, où chacun apporte ce qu'il a envie de manger. «L'évasion renvoie au dépaysement sans doute, au sens du changement de territoire, de voyage, vers un inconnu ailleurs ou peu connu, censé être différent, étrange, merveilleux peut-être et en tout cas autre. Le plus souvent en parlant d'évasion, on pense très vite à l'exotisme, au regard de l'autre, généralement l'étranger qui s'est proclamé technologiquement supérieur, plus généralement vivant dans l'ancienne métropole coloniale ou sa proche sphère Nord». Et de conclure que «rêver est beaucoup plus contraignant que réfléchir. Cela nous empêche d'avoir mauvaise conscience tant qu'on pourra rabâcher la fameuse devise du Nord, celle qui prêche l'art pour l'art». L'écrivaine tchèque, Petra Hulova, a, dans une intervention percutante, «Paradoxes», soutenu que la littérature est un désordre de voix articulées. «Un roman finalisé est un organisme qui émerge. Le passage de la lecture d'un roman sur le net n'a pas le même impact. S'appuyant sur son expérience, l'écrivaine estime que quand elle lit un livre pendant deux ou trois heures, elle a une certaine image dans sa tête. Elle peut en débattre. Quand elle lit la même histoire sur Internet, cette dernière est fragmentée et décousue». Pour sa part, le journaliste et plasticien, Jaoudet Gassouma, a présenté une communication au titre intéressant : «Ramer avec la plume, s'évader sur les barques de tous les rêves». Il a soutenu qu'écrire, c'est dessiner les espoirs sur des barques solides. C'est également pagayer dans l'imaginaire pour s'évader de la plus belle manière qui soit, sans frontières faites du rouge sang de ceux qui s'écorchent les bras sur les barbelés de l'autre, et du blanc de l'indifférence de cet autre trop puissant pour s'apitoyer sur des destins les plus décharnés. Ecrire, c'est s'évader, s'en aller questionner le vent qui passe. En témoigne son roman, Zorna. S'appuyant sur ces différentes lectures, Jaoudet Gassouma est convaincu que «l'aventure de ces grandes évasions est donc sans cesse au rendez-vous. Elle nous attend à chaque page tournée, se révèle dans sa force, sa bonté ou sa délicatesse, mais aussi dans la froideur de ses récits fidèles quand elle invoque Eros ou Thantos dans un même cirque». De son côté, Amine Zaoui perçoit la littérature comme un voyage où la destination n'est pas prescrite à l'avance. «La littérature est un pigeon voyageur. La littérature, c'est fuguer vers soi et trouver les pages de son jardin secret. Ecrire, c'est fuir également la mort. Ecrire est synonyme de lire et de conter. La langue est la meilleure patrie de l'évasion. L'écrivain aime voler», explique-t-il.