Pour Nabil Haddad (1), le point de départ le plus sûr pour toute critique qui se respecte est de considérer l'homme comme un être concret, vivant dans des conditions historiques déterminées, appartenant à des couches sociales déterminées. Cela apparaît avec une particulière évidence en littérature, art spécifique de l'homme concret. En effet, devant le problème de l'homme, les plus grands écrivains se guident le plus souvent, non pas tant sur des idées abstraites que sur les soucis, les espoirs, les désirs d'hommes concrets qui créent de leurs propres mains les valeurs matérielles et spirituelles, qui souffrent du manque d'harmonie dans leur vie sociale et dans leur vie personnelle. Dans l'un de ses nombreux essais, Nabil Haddad écrit : « Nous pouvons admettre que la critique littéraire soit l'exercice d'une méthode rigoureusement déterminée, utilisant les divers matériaux et instruments que la science contemporaine met à sa disposition pour satisfaire son ambition de comprendre les œuvres et les phénomènes de leur production ». Partant de ce point de vue, on peut dire aussi que la critique n'est jamais rien, sans d'abord la critique de soi-même, elle suppose la conscience des responsabilités, laquelle ne s'exerce pas seulement à l'égard d'un public donné mais aussi à l'endroit des auteurs. Dans ce sens, Nabil Haddad est de ceux qui croient que la critique est peuplée de « fantômes composites », puisqu'elle implique la critique de la critique, une pluralisation de la critique et s'invente-elle même en s'alimentant d'autres œuvres dont elle parle comme si elles n'étaient pas suffisantes en elles-mêmes. Pour mieux expliquer sa démarche, Nabil Haddad écrit : « On ne peut comprendre ce phénomène qu'en utilisant tous les moyens disponibles de la culture contemporaine, de la linguistique, de l'histoire, de la sociologie, de l'anthropologie, de la psychanalyse, enfin tout ce qui nous permettrait de mieux percevoir le réseau de relations signifiantes qui constituent le milieu intérieur et l'environnement externe des œuvres artistiques ». Cette critique dont parle Nabil Haddad n'est pleinement elle-même, croyons-nous, que lorsqu'elle est une relation variable en fonction de son objet. Et cet objet consiste, selon nous, à servir l'art, le progrès social et la culture artistique du peuple. C'est pour cela que la notion de « texte », aussi scientifique qu'en soit la saisie, demande à être précitée, pour au moins certains de ces caractères qui requièrent une lecture. Dans une étude sur les œuvres de Ghalab Halassa (2), Nabil Haddad conclue : « Il place ses textes dans la lumière historique. Il démontre le caractère politique, satirique et de critique sociale qui est un des aspects essentiels de son œuvre ». Quand il aborde les romans de Nouënis Razzag (3), il écrit : « Ils ont rattaché à leur souci le monde extérieur, mais aussi le monde intérieur, les régions obscures et irrationnelles de l'être et même tout ce qui était autrefois réservé à la magie et à la mythologie ». Enfin, les essais de Nabil Haddad prennent des formes multiples, des tonalités qui d'abord retiennent et forcent l'attention. (1) Célèbre critique jordanien (2) (3) Deux grands écrivains jordaniens