Résistance, histoire, identité et séduction. Le haïk rassemble les villes de l'Algérie autour de ses symboles. El Watan Week-end retrouve le sens profond de cette tenue pas comme les autres. «Jamais le haïk n'a connu autant d'engouement en Algérie que cette année. A part, en 2011 où l'Observatoire algérien de la femme avait initié une manifestation visant à le sauvegarder en tentant de le réintroduire», déclare Houria Nabil, enseignante depuis une vingtaine d'années. Elle regrette de ne pas trouver «de traces du haïk dans les manuels scolaires, alors que c'est l'habit traditionnel par excellence. Si on n'explique pas la valeur du haïk aux plus jeunes, il ne faut pas s'offusquer de leur mépris futur pour leurs racines». Les nouvelles générations ignorent que le haïk a une symbolique plus forte que celle du patrimoine. Des associations, des militants et des particuliers tentent de transférer les vérités sur ce tissu qui a fait l'histoire. «Ma mère me racontait que lors de la guerre d'indépendance, les femmes dissimulaient souvent des armes, de la nourriture, des faux papiers, etc., sous leur haïk», poursuit Houria. «Mon père disait que le haïk était un héros inconnu !» Si le haïk a joué un rôle pendant l'indépendance, il a également été le passe-partout des femmes dans les dédales de La Casbah ou les ruelles étroites des souks. «Contrairement au hidjab qui a mis la femme dans un cadre de restrictions, le haïk permettait aux femmes de sortir en toute liberté. Les hommes se plaignaient rarement de voir aller et venir leurs femmes, tant qu'elles avaient leur haïk», explique Djaâfar Bouchène, historien et chercheur «Sous ce haïk se dissimulait la beauté de la femme. Cependant, le but n'était pas de l'enfermer ou de lui ôter ses libertés. La société conservatrice dont laquelle elle évoluait lui donnait également la liberté de ses mouvements. Le haïk est une sorte de carte d'identité !» De ville en ville, le haïk a connu des transformations, dont certaines ont été révolutionnaires pour la femme. «Le haïk n'est pas statique, il a muté avec l'évolution de la mentalité des femmes. A Alger par exemple, on le portait plus court que celui de Tlemcen. Cette manière de le porter faisait paraître le seroual, souvent la pièce maîtresse de la tenue citadine», explique Naïla Hafid, collectionneuse spécialisée dans la reconstitution des tenues traditionnelles algériennes «Le tissu du haïk est une matière qui émet beaucoup d'effet sous la lumière. Je participe à sa réintroduction depuis des années, en le transformant. Si je ne peux plus le porter pour la vie de tous les jours, il me sert à tapisser des murs, des fauteuils et même des coussins ! Le haïk n'a jamais disparu, il attend juste d'être remis au goût du jour.»