C'est la première fois que ces enfants aux besoins spécifiques intègrent des ateliers de dessin et vivent des moments d'intense bonheur, et ce durant plusieurs semaines. Une trentaine d'enfants âgés entre 10 et 15 ans, de l'école pour handicapés auditifs, Bachir Boutebba, du plateau du Mansourah, étaient conviés hier avec leurs parents et leurs encadreurs à la cérémonie de clôture des ateliers de dessin organisés par le Musée national Cirta à leur profit durant de nombreuses semaines, soit depuis décembre dernier. Leurs travaux, d'étonnantes mosaïques caractérisées toutes par des couleurs lumineuses, et certainement beaucoup d'application, étaient exposés dans la grande salle centrale du musée. «C'est la première fois que ces enfants sont au centre d'un tel intérêt ; ils ont bénéficié de séances de dessin et vécu de très beaux moments pendant plusieurs semaines grâce à l'heureuse initiative de Mme Kaltoum Dahou (directrice du musée, ndlr) et sa collaboratrice, Mme Chafika Ben Dali-Hacine (artiste plasticienne, chargée de la collection peinture et sculpture du musée, ndlr), qui les a pris en charge avec une admirable patience», témoigne, avec beaucoup d'émotion, Mme Fatima-Zohra Hamimed, directrice de l'école Bachir Boutebba pour handicapés auditifs. «Le dessin est le mode d'expression le plus approprié aux enfants sourds-muets, qui font preuve de plein d'énergie et de volonté quand il s'agit de se faire comprendre», confirme Chafika Ben Dali-Hacine. La petite Qamar (11 ans), sourde et muette, dont les magnifiques yeux bleus pétillent d'intelligence, nous explique, avec force signes, interprétés par sa maman, qu'elle «aime le bleu parce que c'est la couleur de ses yeux». Djihane, Alla, Salah-Eddine et les autres, tous souffrent du même handicap, et pourtant ils semblent jouir d'un excellent équilibre mental. Leur joie de vivre est extraordinairement communicative, en dépit des difficultés qu'ils affrontent au quotidien avec leurs parents, surtout leurs mères. Ce sont surtout elles qui ont fait l'effort d'apprendre le langage des signes, bien plus que les pères, pour se rapprocher de leurs enfants et découvrir quels trésors inestimables ils peuvent recéler en eux. L'Etat doit sérieusement aider ces enfants Beaucoup de ces enfants ont du mal à rallier leur école implantée sur les hauteurs du Mansourah, en l'absence de transport. Ceux qui résident dans les localités éloignées galèrent pour rejoindre cet unique établissement spécialisé. «A cause de ce problème j'ai dû interrompre la scolarité de ma fille aînée, également sourde et muette», regrette une mère de trois enfants souffrant du même handicap. Une autre mère a relevé l'absence d'aide de la part de l'Etat en direction des enfants sourds-muets : «Les services de l'action sociale ont décrété 70% pour le handicap de nos enfants, c'est-à-dire n'ouvrant droit à aucune aide matérielle, alors qu'ils ont d'énormes besoins, ne serait-ce que d'appareils auditifs et autre matériel adéquat.» Quoi qu'il en soit, ces enfants, que la société n'arrive pas à gérer, sont doués d'une remarquable intelligence et d'une grande capacité à relever les défis. Bien plus que d'autres, dits «normaux». Par ailleurs, l'expérience induite par ces ateliers de dessin est des plus réussie, eu égard au bonheur palpable dont ont fait montre ces enfants, et l'intense émotion manifestée par les parents. Ce qui incitera Mme Kaltoum Dahou à envisager d'autres séances dans un proche avenir. Un grand bravo à cette dame, qui n'a pas, en outre, omis d'offrir des cadeaux à ces enfants et à leurs mères!