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«L'impact du CNC ne sera perceptible qu'à terme»
Amara Zitouni. Président du Conseil national de la concurrence
Publié dans El Watan le 17 - 03 - 2013

-Gelé depuis des années, le Conseil national de la concurrence vient d'être réactivé et ses structures installées. Pourriez-vous nous expliquer quelles sont les nouvelles missions du Conseil ?
Le Conseil de concurrence vient d'être réactivé. Cela fait partie des mesures phare prises par le Premier ministre. Le Conseil national de la concurrence a été installé le 29 janvier dernier par le ministre du Commerce. Cette réactivation intervient 10 ans après le gel des activités de l'ancien conseil. Celui-ci a été créé dans le cadre de l'ordonnance 95-06 relative à la concurrence dans le sillage des réformes, économiques, politiques et sociales prises alors.
En 1996, le conseil a commencé ses activités rendant des décisions et des avis concernant des affaires qu'on peut juger d'importance nationale, et ce, durant deux ou trois années. Celui-ci a arrêté de fonctionner lorsque le mandat de ses membres est arrivé à terme. En 2003, une nouvelle ordonnance a changé complètement les missions du CNC. Le texte sera de nouveau modifié en 2008 et 2010. C'est cette instabilité juridique qui a fait obstacle au fonctionnement du conseil. Dès 2010, le ministère du Commerce a relancé le projet d'installation du conseil de la concurrence. L'Union européenne a apporté son appui pour la formation des futurs cadres du CNC dans le cadre du jumelage.
-Maintenant que le Conseil est installé, quelles seront ses activités ?
En vertu de la loi l'ayant créé, le Conseil national de la concurrence se charge de deux missions principales. La première concerne le contrôle des concentrations économiques. Cela veut dire que lorsqu'une ou plusieurs entreprises, activant dans un domaine donné, dépassent les 40% du marché (qu'elles contrôlent ainsi ou dominent le marché), elles devront obtenir l'autorisation du conseil de la concurrence. Celui-ci étudie le marché par rapport à des critères pertinents, autorise ou refuse.
Le conseil de la concurrence intervient aussi dès qu'il constate, via des études économiques, qu'une position dominante, ou un abus de position dominante est susceptible de perturber et de nuire gravement au marché. Le conseil intervient, via une procédure, en faisant une injonction à l'entreprise concernée pour se délester d'une partie de son activité, ou de payer une amende. La seconde mission concerne les pratiques anticoncurrentielles.
La plus commune concerne l'exemple des entreprises qui constituent un cartel pour fixer les prix ou ce qu'on peut appeler l'entente sur les prix. Elles peuvent aussi s'accaparer une partie du marché ou limiter l'offre. Elles peuvent aussi décider de ne pas innover puisqu'elles accaparent le marché. Il y a d'autres pratiques comme la discrimination, la vente concomitante, ou le fait d'imposer des conditions léonines.Il faut néanmoins, qu'il y ait une saisine. La nouvelle règlementation permet au conseil de s'autosaisir par rapport à des indices sur le déséquilibre du marché ou concernant des pratiques anticoncurrentielles.
-Les pratiques anticoncurrentielles sont légion sur les marchés algériens, notamment au niveau des marchés de gros. De quels moyens dispose le Conseil de la concurrence pour lutter contre ce genre de pratiques ?
Le conseil intervient à titre préventif en amont. S'il y a des suspicions concernant une entreprise qui décide de limiter l'offre, ce qui aura un effet sur les prix et sur le consommateur au final, le conseil peut intervenir. Aussi, si l'un des concurrents s'estime lésé, il peut saisir soit le conseil de la concurrence, soit la justice pour demander des dédommagements, soit l'une des autorités sectorielles de régulation. Il en existe aujourd'hui, l'ARPT étant la plus connue. Ces autorités sont chargées au même titre que le Conseil de la concurrence de prévenir et de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles.
-Avec l'existence d'autorités de régulation sectorielles, de quelle manière le conseil de la concurrence peut-il intervenir ?
Les instances travaillent en concertation et coordination. Quand le conseil de la concurrence est saisi par une entreprise activant dans un secteur où il y a une autorité de régulation, le CNC demande l'avis de celle-ci. Et le contraire peut se faire.
-Beaucoup de transactions commerciales transitent par le marché informel, de même que la majorité des pratiques anticoncurrentielles sont dans l'informel. Comment le conseil pourrait-il agir dans ces conditions ?
Cela pourrait constituer un obstacle. Pour qu'il y ait concurrence, il faut d'abord une transparence, une visibilité et une traçabilité des transactions. Des conditions limitées dans l'informel.
Cependant, nous intervenons pour limiter les causes en amont. Les effets du contrôle exercé par le conseil de la concurrence ne sont pas perceptibles dans l'immédiat. Il y a d'autres autorités chargées bien entendu d'éradiquer le commerce informel. Elles ont pris des mesures pour juguler le phénomène en attendant que les circuits s'installent dans la légalité.
-Le CNC compte-t-il aussi travailler en collaboration avec les associations des consommateurs ?
La nouvelle loi a élargi le conseil en y intégrant des membres d'associations de protection des consommateurs. Nous comptons déployer durant la première année beaucoup d'efforts en matière de communication via les médias, l'organisation de séminaires, et l'édition de dépliants destinés à expliquer les procédures afin de diffuser la culture de la concurrence. Le Conseil de la concurrence n'a pas fonctionné durant dix ans. Il faut aussi savoir que nous avons longtemps fonctionné dans une économie administrée et nous sommes passés à une économie de marché. Ce n'est pas du jour au lendemain que l'effet du conseil de la concurrence sur le confort du consommateur sera ressenti. Notre défi est de concilier l'intérêt de l'entreprise et celui du consommateur.
-Quelle est la composition exacte du conseil ?
Le CNC est composé de 6 membres permanents, dont un président, et de 6 membres non permanents. Des rapporteurs et un secrétaire général gèrent 4 directions techniques, en appui pour la gestion et l'administration ainsi que pour les études de marché. Les décisions sont générales et collégiales. C'est le rapporteur général qui transmet le dossier. Comme dans les juridictions, il y a une séparation entre l'organe qui instruit le dossier et celui qui prend la décision. Au CNC, la décision est collégiale. La nouvelle loi introduit aussi une innovation en matière procédurale en ce qui concerne le droit de défense. Un avocat peut ainsi se présenter au conseil pour défendre l'entreprise. La procédure applicable au niveau du conseil est similaire à celle applicable au niveau des juridictions.
-Serait-ce une forme d'arbitrage ?
Non, ce n'est pas le cas. Lorsque nous rendons une décision, nous devons respecter scrupuleusement la procédure. Nous sanctionnons des entreprises en infligeant des amendes. Les sanctions sont financièrement lourdes. Sans oublier qu'elles sont publiées et elles touchent donc à l'image de l'entreprise. Avant de les condamner, il faut donner aux entreprises toutes les chances de se défendre. Nos décisions sont d'ailleurs susceptibles de recours auprès de la cour d'appel d'Alger ou du Conseil d'Etat. Le conseil de la concurrence exerce ses missions sous le contrôle d'un juge. Nous devons faire attention aux droits des entreprises.


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