La Coalition nationale de l'opposition syrienne a élu, lundi soir à Istanbul, Ghassan Hitto Premier ministre intérimaire des localités syriennes aux mains de la rébellion. «Ghassan Hitto a gagné avec 35 voix sur 49», a annoncé Hicham Marwa, membre de la Coalition, au terme du dépouillement des bulletins de vote. Né en 1964, M. Hitto était jusqu'à l'an dernier cadre supérieur dans une compagnie de télécommunications au Texas (Etats-Unis), mais a rejoint en novembre 2012 les rangs de l'opposition et s'est impliqué dans l'assistance humanitaire à la population syrienne. Le vote est intervenu après 14 heures de consultations entre les quelque 70 membres de la Coalition qui, pour certains, ont décrit Hitto comme un «candidat de consensus» satisfaisant à la fois les courants islamistes et libéraux de l'opposition. Mais plusieurs membres de la Coalition ont refusé de participer au vote, illustrant la persistance de divisions au sein de l'opposition syrienne. «C'est un vote transparent, un vote démocratique», a, pour sa part, commenté le président de la Coalition, Ahmed Moaz Al Khatib. M. Hitto était opposé à 11 autres candidats. Son principal concurrent, l'ex-ministre de l'Agriculture de l'ancien président Hafez Al Assad, Assaad Moustapha, a remporté sept suffrages. Cette élection, prélude à la création d'un gouvernement intérimaire chargé de gérer les localités du nord et de l'est du pays conquises par les insurgés, intervient dans un contexte d'extrême tension entre la Syrie et le Liban. Beyrouth a en effet accusé hier Damas d'avoir bombardé l'une de ses villes. Elu par une Coalition dont la représentativité est souvent contestée par les militants sur le terrain, M. Hitto devra ainsi confirmer en Syrie même sa légitimité. «Le Premier ministre va se rendre en Syrie et avoir une série de rencontres avec les chefs de groupes rebelles qui combattent le régime d'Al Assad», a affirmé à la presse, avant l'élection, Samir Nashar, membre de la Coalition. Ces rebelles délimiteront «jusqu'à quel point ils sont prêts à accepter les prérogatives du Premier ministre. Cela pourrait prendre du temps», a-t-il ajouté. Dans tous les cas, le chef élu du futur gouvernement part avec l'avantage de bénéficier du soutien de l'Armée syrienne libre (ASL), la principale force armée de la rébellion. «Nous soutiendrons ce gouvernement et travaillerons sous son égide», a déclaré lors d'une conférence de presse, avant l'élection, Selim Idriss, le chef d'état-major de l'ASL. A terme, le gouvernement intérimaire devra nécessairement être basé en Syrie, a souligné un porte-parole de la Coalition, Khaled Al Saleh, insistant sur le fait qu'»un gouvernement qui fonctionnerait via internet ou skype, ça ne peut pas fonctionner». En attendant de connaître dans le détail sa feuille de route, Ghassan Hitto a d'emblée tenu à faire comprendre lors de son discours inaugural qu'il ne dialoguera pas avec le régime du président Bachar Al Assad. Le chef de la Coalition, Ahmed Moaz Al Khatib, s'était dit prêt fin janvier à entamer des discussions directes avec des représentants du régime n'ayant pas «de sang sur les mains», mentionnant des conditions comme la libération de prisonniers et précisant que tout dialogue devait nécessairement porter sur le départ du président Al Assad. Mais des représentants de la coalition ont affirmé à la presse que l'élection d'un Premier ministre intérimaire fermait la porte à de tels pourparlers. Bref, il semble bien qu'un règlement politique à la crise syrienne n'est pas pour demain.