Le chercheur Mohamed Saïb Musette relève que l'Etat navigue à vue et ne dispose pas de moyens pour évaluer le taux de chômage réel au Sud. Tout ne va pas bien, finalement. Après une profusion de chiffres sur la création d'emplois et la réduction du taux de chômage – ramené, selon des statistiques officielles, à 10% – le gouvernement descend de sa tour d'ivoire pour constater une autre réalité. Une situation explosive. Il a fallu, encore une fois, une révolte des jeunes des wilayas du Sud pour que les autorités prennent conscience de cette réalité. «Le problème de l'emploi des jeunes est réel», admet le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. «Le problème du chômage est national», appuie, pour sa part, le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia. Ces aveux tranchent avec l'autosatisfaction qu'affichait, des années durant, l'ancien ministre de la Solidarité et de l'Emploi, Djamel Ould Abbès. Ce dernier communiquait des statistiques presque fantaisistes sur la création de centaines de milliers d'emplois. Dans sa démarche visant à plaire au chef de l'Etat, l'ancien ministre brandissait tantôt des statistiques de l'ONS, tantôt des données produites par les services de son département ministériel. Résultat : après son départ du gouvernement, la réalité éclate à la figure des autorités. On se rend compte finalement que le chômage reste endémique et que le sous-emploi est une véritable bombe à retardement. Où se situe le problème ? Pourquoi les différents gouvernements n'arrivent-ils pas à réduire l'ampleur du phénomène du chômage et continuent à réagir avec des mesures palliatives au lieu de solutions durables ? L'absence de statistiques fiables est à l'origine de la problématique. «Pour le Sud et le reste du territoire national, il y a un véritable problème de statistiques. Nous n'avons toujours pas le taux de chômage par wilaya», explique Mohamed Saïb Musette, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Créad). «Le gouvernement agit dans l'urgence» Regrettant que le taux de chômage pour 2012 n'ait toujours pas été communiqué, notre interlocuteur relève d'abord les failles des mécanismes de l'emploi au sud du pays. «Il y a une décision obligeant les entreprises et les demandeurs d'emploi à passer par l'ANEM. Mais est-ce que tous les demandeurs d'emploi, dans cette partie du pays, peuvent faire des centaines de kilomètres pour aller s'inscrire au niveau de cette agence ? La réponse est non. La solution aurait été de créer des agences d'emploi de proximité, mais cela n'a jamais été une préoccupation pour le gouvernement», explique-t-il. Le chercheur pose, dans ce sens, le problème du manque de prévision qui engendre l'échec des mesures prises en urgence. «Si une voiture ne dispose pas d'un tableau de bord, le conducteur ne saura pas quand il doit faire le plein d'essence. Le gouvernement navigue à vue et se sert des recettes pour traiter la problématique du chômage. Ce qui ne donne pas souvent des résultats satisfaisants», ajoute-t-il. Selon lui, l'approche adoptée pour la production des statistiques sur le chômage a prouvé ses limites : «En Algérie, on se contente d'une enquête annuelle qui ne donne que le smig des statistiques. Tous les pays font des enquêtes mensuelles. La Tunisie et le Maroc en font chaque trimestre. C'est important car le monde du travail évolue. Il faut donner des budgets supplémentaires à l'ONS pour réaliser plusieurs enquêtes.» Et M. Musette d'appeler à désagréger l'enquête et à élargir l'échantillon pour arriver à des résultats réels.