Le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, achève aujourd'hui une visite au Brésil. Une visite qui ressemble à une mission d'exploration, après celle du président Abdelaziz Bouteflika, en mai 2005, dans ce pays continent où l'on ne connaît pas encore grand-chose sur l'Algérie. C'est simple, l'Algérie, pour les Brésiliens, n'est pas suffisamment africaine, comme elle n'est pas suffisamment arabe. Ces deux régions sont assimilables aux couleurs de l'Afrique et aux senteurs du Moyen-Orient. L'Algérie, qui entend améliorer son image à l'étranger, a du travail à entamer pour se faire connaître. Le voisin marocain, qui se distingue par une publicité touristique offensive, a autorisé une équipe de tournage brésilienne à utiliser ses décors pour les besoins d'un feuilleton. Le résultat ne s'est pas fait attendre : succès du feuilleton et belle promotion pour le Maroc. A Rio de Janeiro, où il est arrivé le 17 avril, Mohamed Bedjaoui a rencontré des intellectuels brésiliens pour parler de l'Algérie, du Brésil et de la place qu'ils veulent avoir sur le plan international. Le Brésil lutte, à travers le groupe des 20 pays émergents, pour un commerce mondial plus équilibré pour déverrouiller, un tant soit peu, le système OMC. L'Algérie, qui aspire à adhérer à l'OMC, travaille pour diversifier ses relations. Dans le monde arabe, l'Algérie est le premier partenaire du Brésil, le deuxième en Afrique. Dans la sphère Sud, le Brésil est le première partenaire de l'Algérie. A la fin 2005, les échanges commerciaux ont dépassé les 3,2 milliards de dollars (une croissance de 196 % en trois ans). La balance commerciale est favorable à l'Algérie, ce qui inquiète quelque peu Brasilia qui entend réduire le déficit. « Il y a encore de l'espace pour une augmentation des exportations brésiliennes, notamment dans les domaines des biens, des services et des technologies », est-il souligné dans un communiqué du ministère des Relations extérieures brésilien. Avec Furlan Fernando, ministre du Développement, de l'Industrie et du Commerce extérieur, qui a déjà visité l'Algérie en novembre 2005, Mohamed Bedjaoui a évoqué la question d'élargir les échanges entre les deux pays. En mars dernier, les exportations brésiliennes de viande bovine ont repris après une rupture de cinq mois due à la fièvre aphteuse. L'Algérie achète au Brésil de grosses quantités de sucre et de l'huile de soja. Le Brésil veut placer la coopération agricole parmi les priorités dans son partenariat. Selon la CNUCED, le Brésil, au top 10 des exportateurs, sera le premier producteur mondial de produits agricoles dans les prochaines années. En dépit de ses 182 millions d'habitants, le pays a dépassé largement « la barre » de l'autosuffisance. D'après le ministère algérien des Affaires étrangères, des experts en agriculture se rendront bientôt à Brasilia pour « examiner les actions concrètes » à entreprendre dans le domaine. La question a été abordée hier lors de la deuxième commission mixte coprésidée par Mohamed Bedjaoui et le chef de la diplomatie brésilienne, Celso Luiz Amorim, qui lors d'une visite à Alger en 2005, a signé un « mémorandum d'entente relatif aux consultations politiques ». La première réunion de ces « consultations » a eu lieu à la faveur de la visite de Mohamed Bedjaoui à Brasilia. Le ministre algérien, d'après des sources diplomatiques, visitera le centre conjoint de défense aérienne et de contrôle du trafic aérien qui rayonne sur toute l'Amérique du Sud (le Brésil occupe 37 % du territoire de ce sous-continent). Ce centre se charge également à surveiller, au millimètre près, l'Amazonie, qui s'étale sur plus de 4 millions de kilomètres carrés, soit deux fois la superficie de l'Algérie. Les Brésiliens se disent prêts à faire profiter l'Algérie de leur expérience pour surveiller les territoires vastes du Sud. Mohamed Bedjaoui aura des entretiens aujourd'hui avec Francisco Waldir Pires, ministre de la Défense, sur la relance de la coopération militaire. Une délégation de hauts officiers algériens devra se rendre dans les prochains mois au Brésil pour « parfaire » cette coopération. Si l'Algérie introduit la demande, le Brésil est prêt à vendre des avions d'entraînement et des avions de chasse de marque Embraer. Cette compagnie de construction aérienne, privatisée en 1994, basée à Sao Paolo et cotée en bourse à Wall Street à New York, est lancée dans la course pour décrocher le marché algérien des appareils de transport régional. Sur un autre plan, le chef de la diplomatie algérienne a rencontré Rebelo Aldo, président de la chambre des députés, responsable en vue du Partido Comunista Do Brasil. N'oubliant pas d'être d'abord un magistrat international, Mohamed Bedjaoui, qui a siégé à la Cour de La Haye, a discuté longuement avec Ellen Gracie Northfleet, présidente de la Cour fédérale suprême. « Mme Northfleet a expliqué l'expérience originale du Brésil à travers la création d'un tribunal électoral fédéral et s'est montrée disposée à favoriser des relations entre cette institution et le Conseil constitutionnel algérien », précisé un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. A noter enfin que la visite de quatre jours du chef de la diplomatie algérienne intervient à la suite de celle du président Luiz Inacio Lula en Algérie en février 2006.