Les Touareg du Hoggar affirment ne reconnaître que l'amenokal comme porte-parole. Dans une plateforme de revendications adressée au président de la République, ils regrettent «l'exclusion» dont ils font l'objet. Ils exigent un quota de postes ministériels, de membres de l'Exécutif et de hautes fonctions de l'Etat au profit de leurs enfants. Ils demandent aussi l'adaptation du dispositif d'aide aux jeunes aux spécifités de la région et revendiquent l'enseignement de tamazight avec les lettres en tifinagh. Tamanrasset. De notre envoyée spéciale
Les chefs de tribu touareg et les notabilités de l'Ahaggar ont adopté hier matin, lors de leur rencontre avec l'amenokal Ahmed Edabir, à son domicile à Tamanrasset, une longue déclaration adressée au président de la République, Abdelaziz Bouteflika. La trentaine de tribus de Touareg du Hoggar étaient représentées pour faire de ce rassemblement, le plus important depuis le dernier, tenu en 2008, et sanctionné par une motion de soutien au Président pour un troisième mandat. Hier, l'heure n'était pas à «la politique partisane ou électorale», nous dit-on, «mais plutôt à des mises au point pour couper l'herbe sous le pied de ceux qui parlent au nom des Touareg de Tamanrasset». La plus importante est celle de ne reconnaître comme porte-parole de la communauté que l'amenokal Ahmed Edabir. Le reste est contenu dans une plate-forme de revendications qui s'apparente à un véritable programme d'action politique, sociale, économique et culturelle. Les chefs des tribus rappellent que «les événements que vivent les pays de la région obligent l'Algérie à renforcer son unité nationale et à faire face à toutes les menaces intérieures et extérieures». De ce fait, «il est du devoir de chacun de revenir aux références traditionnelles ancestrales de les réactiver pour qu'elles puissent jouer leur rôle (…). Le rôle qu'a joué l'amenokal au Hoggar est un modèle exemplaire à travers l'histoire, notamment durant la guerre de Libération, en se dressant contre les plans du colonialisme visant à séparer le Sahara de l'Algérie». Pour les Touareg, l'organisation ancestrale entourant l'amenokal a également «participé» à la construction du pays après l'indépendance et «fait face à toutes les crises», surtout celle de la décennie noire, et «constitué une barrière» contre le terrorisme durant cette période. Néanmoins, «l'amenokal, les notables et les jeunes expriment leur regret de constater aujourd'hui une exclusion volontaire ou involontaire de l'autorité traditionnelle et l'apparition de personnes étrangères s'autoproclamant porte-parole de la communauté en dénaturant son histoire. Ce qui constitue un réel danger sur l'identité de notre région, qui fait partie intégrante de l'identité nationale». Et d'ajouter que les Touareg, «au nom de toutes les composantes de la société, à leur tête l'amenokal, nous refusons catégoriquement ces atteintes aux principes de nos valeurs que nous considérons comme une ligne rouge infranchissable et inviolable de quelque manière que ce soit». A ce titre, tout en réitérant leur attachement à l'unité nationale et à la préservation de la sécurité de la région, les Touareg font état d'une série de revendications. Sur le plan politique et vu la détérioration de la situation sociale, sécuritaire et économique dans «les pays limitrophes qui appellent à la protection de l'Algérie de toutes les menaces qui l'entourent et à barrer la route à tous ses ennemis de l'intérieur et de l'extérieur, aux corrompus et aux corrupteurs devenus un lourd fardeau pour la société qui exige la réhabilitation des symboles de la communauté et la reconnaissance de l'organisation sociale comme unique porte-parole de la région, rejetant ainsi toutes les personnes importées et autoproclamées représentantes de la population du Hoggar». Les Touareg de Tamanrasset demandent par ailleurs que leurs enfants puissent bénéficier d'un quota de postes ministériels, de walis, de directeurs de l'Exécutif, d'ambassadeurs, de consuls, de représentants d'ONG internationales à l'étranger, mais aussi des postes au sein de toutes les institutions sécuritaires. Ils revendiquent la révision des procès de tous les élus poursuivis et une grâce au profit de ceux ayant été condamnés, en arguant du fait que «ces poursuites ont été engagées sur la base de règlement de comptes personnel». Ils exigent du gouvernement de ne plus continuer à considérer la région comme un réceptacle des cadres sanctionnés et de lieu de stage pour les débutants. «Nous voulons que la langue amazighe soit instituée et enseignée à Tamanrasset, avec ses lettres historiques du tifinagh, tout comme nous voulons que l'université de Tamanrasset puisse ouvrir des départements spécifiques à la région, notamment de géologie, de tourisme, de pétrochimie et d'environnement (…), il est demandé aussi la création d'une direction centrale consacrée au tourisme saharien, la révision à la hausse du quota de carburant dont bénéficient les éleveurs de cheptel et les agriculteurs, le renforcement du tourisme saharien, et la révision de tout le dispositif d'aide à l'emploi Anjem, filet social, Ansej et Cnac, pour le réadapter à la spécificité de la région, notamment l'éloignement, et faire en sorte que les élus locaux gèrent ces aides (…), de même qu'il est exigé l'accompagnement du développement des structures par celui de la ressource humaine afin qu'elle puisse participer au progrès.» A noter qu'un «conseil des tribus de l'Ahaggar a été créé à l'occasion. Par ailleurs, des délégués devront être désignés pour représenter l'assemblée et porter la plateforme de revendications devant les hautes instances du pays.