Nouvelle montée de température dans la péninsule coréenne. Le jeune chef suprême de la Corée du Nord, Kim Jong-un, a annoncé hier que son pays était «en état de guerre» avec le Sud, proférant encore une fois des menaces directes à l'encontre des Etats-Unis, à la suite du survol du territoire de la Corée du Sud de deux bombardiers américains, intervenu plus tôt dans la semaine. Cette nouvelle menace a été prise au sérieux par Moscou et Pékin qui craignent le pire pour la région. Et dans ce cas, le pire correspond au déclenchement d'une guerre nucléaire. «A partir de maintenant, les relations inter-coréennes sont en état de guerre et toutes les questions entre les deux Corées seront traitées selon un protocole de temps de guerre», a déclaré la Corée du Nord dans un communiqué commun attribué à tous les corps du gouvernement et institutions. «La situation prévalant de longue date selon laquelle la Péninsule coréenne n'est ni en guerre ni en paix est terminée», a précisé en outre ce communiqué diffusé par l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA. Le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, avait déjà donné ordre vendredi de lancer des préparatifs en vue de frappes de missiles visant le continent américain et les bases des Etats-Unis dans l'océan Pacifique, en réponse à des vols d'entraînement de bombardiers furtifs B-2 américains. Depuis début mars et l'adoption de nouvelles sanctions par l'ONU à l'égard de Pyongyang après un 3e test nucléaire, la Corée du Nord a menacé régulièrement Séoul et Washington de «frappes stratégiques» et de «guerre totale». L'annonce de Pyongyang constitue la dernière en date d'une série de menaces du Nord. Washington sur le pied de guerre A l'instar de la Russie et de la Chine, les Etats-Unis ont aussitôt déclaré qu'ils prenaient ces nouvelles menaces «au sérieux». «Nous avons vu les informations sur un nouveau communiqué non constructif de la Corée du Nord. Nous prenons ces menaces au sérieux et restons en relations étroites avec notre allié sud-coréen», a déclaré Caitlin Hayden, porte-parole du Conseil national de sécurité. «Nous voudrions aussi noter que la Corée du Nord a une longue histoire de rhétorique belliqueuse et de menaces et que l'annonce d'aujourd'hui est conforme à un schéma familier», a ajouté Mme Hayden, précisant que les Etats-Unis étaient parfaitement capables de se protéger et de protéger leurs alliés en Asie. «Nous continuons à prendre des mesures additionnelles contre la menace nord-coréenne, dont fait partie notre plan pour augmenter le nombre d'avions d'interception basés sur le sol américain ainsi que les radars d'avertissement et de dépistage», a-t-elle affirmé. Dans sa lancée, Pyongyang a menacé, par ailleurs, hier, de fermer le complexe industriel de Kaesong, une zone de coopération économique et industrielle entre les deux Corées, a annoncé KCNA. «Nous fermerons sans hésiter le site industriel si la Corée du Sud essaie d'atteindre notre dignité, même de façon légère», ont averti les autorités citées par KCNA. La zone industrielle implantée à dix kilomètres à l'intérieur de la Corée du Nord a été inaugurée en 2004 dans une volonté symbolique d'établir une coopération entre les deux Corées et représente un apport crucial de devises pour Pyongyang. Un régime imprévisible et irrationnel Les deux Corées sont toujours techniquement en guerre puisque la guerre de Corée de 1950-53 s'est terminée par un armistice et non par un traité de paix.Le Nord avait annoncé au début du mois qu'il allait annuler l'armistice et les autres traités bilatéraux de paix signés avec Séoul pour protester contre les exercices militaires conjoints de la Corée du Sud et des Etats-Unis. Mais contrairement aux craintes exprimées par la communauté internationale, les Sud-Coréen restent «zen» et tendent parfois même à minimiser les menaces de Pyongyang. «Ce n'est pas vraiment une nouvelle menace – seulement un élément dans une série de menaces de provocation», a réagi le ministère de l'Unification sud-coréen dans un communiqué. Le ministère de la Défense du Sud a ajouté qu'aucun mouvement de troupe particulier n'avait été observé près des frontières. A Séoul, a-t-on vraiment raison de ne pas s'inquiéter ? La réponse est oui pour les spécialistes de la région. Ils rappellent à ce propos que ce n'est pas la première fois que la Corée du Nord annonce la fin de l'armistice. Le communiqué du Nord avertit aussi que toute provocation militaire près des frontières terrestres ou maritimes entre le Nord et le Sud de la Corée entraînerait «une guerre totale et un conflit nucléaire». La plupart des experts estiment toutefois que ces menaces sont une pure rhétorique et qu'elles n'annoncent pas un affrontement concret, mais que tout léger dérapage pourrait néanmoins entraîner potentiellement une escalade rapide. C'est justement tout le paradoxe de cette crise coréenne en devenir.Dans le fond donc, personne ne prend réellement au sérieux la menace nord-coréenne. Si c'était vraiment le cas, les Etats-Unis auraient déjà procédé à des frappes préventives. Dans le cas précis de la Corée du Nord, les experts pensent effectivement que celle-ci n'a pas réellement la capacité de miniaturiser ses armes nucléaires pour les installer sur des missiles balistiques ou encore de toucher les grands centres urbains américains. Mais bon, avec un régime aussi irrationnel que celui qui est en place à Pyongyang, tout peut arriver. Et c'est justement pour parer à toute éventualité que la Chine et la Russie ont jugé utile vendredi de demander aux parties de coopérer pour prévenir une dégradation de la situation.