L'émir du Qatar, cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani, a eu hier un entretien avec le président afghan, Hamid Karzai, en visite à Doha pour discuter de l'ouverture au Qatar d'un bureau de représentation des talibans dans le cadre de négociations de paix. Selon l'agence officielle Qna, les deux chefs d'Etat ont passé en revue, outre les relations entre leurs pays, «des questions d'intérêt mutuel». L'agence n'a pas mentionné la question d'une représentation des talibans au Qatar, au cœur de la visite de M. Karzai, arrivé samedi à Doha en compagnie de plusieurs membres de haut rang de son gouvernement. «Nous parlerons bien sûr du processus de paix et de l'ouverture d'un bureau (de représentation) des talibans au Qatar», avait déclaré samedi à la presse le porte-parole de la présidence afghane, Aimal Faizi. Plus tôt cette année, le chef de l'Etat afghan avait rejeté l'idée d'un bureau taliban au Qatar, craignant que son gouvernement ne soit écarté de discussions entre les insurgés et les Etats-Unis. Il avait ensuite changé d'avis. Le bureau taliban «ne peut être qu'une adresse où l'opposition armée s'assoit et parle au gouvernement afghan. Il ne doit pas être utilisé pour autre chose», a répété Aimal Faizi. Les talibans ont toujours refusé de discuter avec M. Karzaï, qu'ils qualifient de «marionnette» américaine. Samedi, ils ont réitéré ce refus. «L'ouverture d'une représentation talibane au Qatar n'est pas liée à Karzai. C'est une question qui regarde les talibans et le gouvernement qatariote», a déclaré Zabiullah Mudjahid, leur porte-parole, à la presse. «Nos représentants qui sont déjà au Qatar ne le verront pas et ne lui parleront pas», a-t-il poursuivi.Le porte-parole du ministère afghan des Affaires étrangères, Janan Mosazaï, a indiqué récemment que des négociations ne débuteront que si les talibans «cessent toute relation avec Al Qaîda et abandonnent le terrorisme». La création d'un bureau des talibans à Doha peut-il correspondre aussi à une volonté de l'émir du Qatar qui veut étendre son influence à l'Afghanistan et d'avoir des cartes à jouer dans cette partie du monde ? Bien entendu, tout cela se ferait par talibans interposés que Doha et Washington veulent maintenant intégrer dans le jeu politique afghan après les avoir longtemps combattus. Fort possible, affirment des spécialistes de la région qui rappellent que le projet avoué de cheikh Hamad Bin Khalifa Al Thani est de se poser, grâce à son carnet de chèque, comme le nouveau leader du monde arabo-musulman. Les insurgés ont, rappelle-t-on, rompu des discussions préliminaires avec les Etats-Unis à Doha en mars 2012, chaque partie étant incapable de satisfaire les demandes de l'autre. Mais à moins de deux ans du retrait de la grande majorité des troupes de l'OTAN, qui tiennent le gouvernement afghan à bout de bras, la conclusion d'un accord de paix est devenue une obligation, sous peine de voir le pays, éreinté par plus de trois décennies de conflit, s'embraser à nouveau. Le Haut Conseil pour la paix afghan, une émanation du gouvernement afghan, défendra la position de Kaboul, selon Janan Mosazaï. La recherche d'un compromis entre les talibans et Kaboul semble l'unique manière d'éviter un nouvel épisode sanglant comparable à la très meurtrière guerre civile ayant frappé le pays de 1992 à 1996.