La calomnie en dit long sur ceux qui la pratiquent. J�ai lu les articles venimeux visant Benjamin Stora des journaux l�Expression et Libert� mais c�est le papier paru dans Le Soir d�Alg�rie qui remporte le pompon avec son tombereau de haine et d�amalgames. Ceux qui comme Benjamin Stora poss�dent non seulement un talent mais aussi ce feu sacr�, qui nourrit l��uvre et la d�ploie toute une vie, se voient souvent accus�s de surfer sur la vague, de tenir le bon filon, un fonds de commerce� Autant de clich�s �dict�s par l�aigreur et la jalousie des m�diocres. Et voil� que ceux-ci �rigent l�antis�mitisme en argument Cette infamie jette un discr�dit d�finitif sur eux-m�mes et r�duit leurs propos � des �ructations racistes. Car il est bien l� le racisme. Quelle personne sens�e songerait � en soup�onner Benjamin Stora ? Il s�est toujours employ� combattre toutes formes de discriminations quoi qu�il lui en co�te. Combien de fois ai-je vu cet historien courageux affronter des amphith��tres bond�s o� les commandos des ultras de l�Alg�rie fran�aise venaient sp�cialement pour en d�coudre avec lui ? Loin de se laisser d�monter par leurs vocif�rations, il leur ass�nait les v�rit�s t�tues de l�histoire. N�est-il pas souvent menac� de mort sur les sites fascistes tel �Fran�ais de souche� ? N�est-il pas vilipend� par Robert M�nard dans �Vive l�Alg�rie fran�aise� et d�test� des historiens pro-coloniaux ? Ne vient-il pas de se voir retirer la direction de l�exposition sur Camus � Aixen- Provence par une mairie de droite �extr�me� ? Je pourrais continuer longtemps sur ce registre. Si Benjamin Stora s�est trouv� � l�avant-sc�ne des comm�morations de l�ind�pendance de l�Alg�rie, c�est que son travail fait autorit� ! Pr�s de 40 ans de recherches et d�analyses durant lesquels il a �t� novateur, instigateur. Des temps o� les sujets sur l�Alg�rie ne faisaient aucune recette. Pendant les �trente glorieuses�, la France avait besoin d�oublier l�Alg�rie et les drames et de se tourner vers la consommation effr�n�e et le bien-vivre. Benjamin Stora, Jacques Berque et une petite poign�e d�autres faisaient figure d��veilleurs de conscience. Et pourquoi en fait-il autant ? Et pourquoi lui ? se demande l�obscur �crivain qui, dans les pages du Soir d�Alg�rie, se pose en censeur. Mais parce que Stora est passionn� par l�histoire et que cette histoire-l� est aussi la sienne, n�en d�plaise aux esprits born�s ! D�s les ann�es 70, Stora inaugure les �tudes sur le nationalisme alg�rien avec son acolyte, Mohammed Harbi : biographie de Messali Hadj, de Ferhat Abbas. Dictionnaire de six cents acteurs de cette guerre patiemment r�dig� en recoupant les diff�rentes sources : archives polici�res d�pos�es � Aix-en-Provence, journaux de l��poque, entretien avec les militants�. Et pas seulement �les fiches de la DST coloniale � comme l�insinue un sinistre individu ! Dans La gangr�ne et l�oublipubli� en 1991, l�historien investit, le premier, le champ de la m�moire. En 1991 �galement, le documentaire �Les ann�es alg�riennes� nous fait d�couvrir �les crevettes Bigeard� lors de l�entretien avec Paul Teitgen. Stora s�est entretenu avec presque tous les grands noms de la r�volution alg�rienne et en a rendu compte d�une fa�on ou d�une autre. Souvenez-vous des villages arros�s de napalm dans La d�chirure-projet�s pour la premi�re fois sur les �crans des t�l�visions fran�aises�. J�avais �t� particuli�rement �mue par la lecture de Les trois exils / Juifs d�Alg�rie o�, sans se d�partir de son objectivit�, Stora relate son histoire familiale avec une pudeur qui donne toute son acuit� � la mise en ab�me. Benjamin Stora garde l�Alg�rie au c�ur et rien de ce qui se produit autour de ce pays n��chappe � sa sagacit�. Il est boulimique de la vie, du travail et son �uvre, forc�ment riche, peut agacer les frustr�s. Pour autant doit-on les laisser l�injurier, le d�nigrer et tenter de saper son travail ? J�ose esp�rer que d�autres voix s��l�veront de l�int�rieur du pays pour protester contre ce lynchage ! �Votre serviteur�, c�est ainsi que se d�signe l�homme qui a d�vers� sa bile contre Stora sur les pages du journal Le Soir d�Alg�rie. Il finit sa logorrh�e � un encombrement verbeux digne des pachydermes du r�gime sovi�tique � en s�enorgueillissant d�avoir fait avorter, aupr�s de Lamine Zeroual, le projet d�un film de Stora durant les ann�es 90. Conclusion �difiante, en effet, sur le r�le des valets des g�n�raux dont la principale mission est de nuire et d�agonir d�ignominies tous ceux qui leur semblent sortir du lot. C�est l� toute la diff�rence avec les esprits d�une autre trempe qui bousculent les conventions, les interdits, les fronti�res pour aller de l�avant. Malika Mokeddem L�Expression, 13 mars 2012 Libert�, 24 mars 2012 Le Soir d�Alg�rie, 4 juillet 2012