Hasard du calendrier ! L'installation de la commission de la révision de la Constitution intervient à un moment où la politique nationale est rythmée par des scandales de corruption en cascade impliquant de hauts dirigeants issus, pour nombre d'entre eux, du cercle présidentiel. Après deux ans d'atermoiements sur fond de spéculations, le projet de révision de la Loi fondamentale commence à «prendre forme» en installant la commission à cet effet. Et c'est le Premier ministre et non pas le président de la République qui a installé, hier, le groupe des «experts» chargé d'élaborer un projet de loi portant révision de la Constitution. Il apparaît, à la lecture de la lettre de mission, que la tâche de la commission serait plus technique, dès lors qu'elle travaillera sur un document de base préétabli. Composée de cinq personnalités issues du système, la commission a pour mission «d'examiner les propositions contenues dans le document préliminaire» produit sur la base des propositions «exprimées par la majorité des participants aux consultations menées successivement par le président du Conseil de la nation et par moi-même (Sellal) et de donner son point de vue sur son contenu et sa cohérence d'ensemble», a indiqué M. Sellal, lors d'une cérémonie qui s'est déroulée à huis clos au Palais du gouvernement. Une commission alibi ? Toutefois, la commission pourrait éventuellement faire «toute suggestion qu'elle aura jugé pertinente en vue d'enrichir ce document», leur a signifié le Premier ministre. Sur le fond, M. Sellal a fait savoir aux experts qu'aucune «limite préalable» n'est fixée au projet de révision du texte de Loi fondamentale du pays. Ce qui laisse entendre ou plutôt qui entretient le flou sur le contour que prendra cette énième trituration de la Constitution. S'agit-il d'une modification profonde bouleversant l'architecture ou d'un simple toilettage sans toucher aux grands équilibres institutionnels ? De nombreux partis politiques revendiquent entre autres l'inscription dans la future Constitution la limitation des mandats présidentiels à deux et «le renforcement des prérogatives du Parlement». Il y a aussi l'éventualité de créer le poste de vice-président qui a alimenté toutes les spéculations. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, aurait confié que cette proposition «n'est pas à l'ordre du jour». Bouteflika tiendra-t-il compte de ces «doléances», lui qui a fait sauter le verrou limitant les mandats pour gouverner à vie en «violant» la Constitution en 2008 ? Rien n'est moins sûr. Cela dépendra en partie de ses intentions de briguer ou pas un quatrième mandat. A ce sujet, le locataire d'El Mouradia entretient le mystère, même si le premier cercle – timidement – le pousse à rester encore au pouvoir, alors que des voix franchement opposées au quatrième mandat commencent à se font entendre. Un mandat de trop… qui serait à plusieurs points de vue intenable pour le pays. Au bout de quatre ans de règne bouteflikien, l'Algérie, malgré une aisance financière, s'enterre dans une crise multiforme. Vie politique complètement plombée, une économie en état de ruine et de larges pans de la société jetés dans la précarité. La prédation au sommet de l'Etat précipite le pays dans le chaos. «Le pays va droit dans le mûr», avertit Abderrahmane Hadj-Nacer.