Des services de la radiologie sans radiologues, les grandes villes bombardées de malades alors que d'autres, par manque de moyens, se tournent les pouces... Les disparités entre les CHU du pays, du potentiel humain au nombre de lits, sont flagrantes. Les malades dénoncent la situation et les administrateurs se défendent. «J'ai été amputé de la jambe le 28 mars dernier pour complication de mon diabète. Deux jours plus tard, le médecin chirurgien signa ma sortie sans vérifier mon bilan. Une fois arrivé chez moi, mon état de santé s'est terriblement dégradé. Pendant une semaine, mes proches couraient pour m'hospitaliser. Mais pour les médecins, pas question de m'admettre une deuxième fois. Ils se limitaient à changer mes pansements. Anémique et avec un taux de diabète dangereusement élevé, c'est une association d'aide aux malades handicapés qui est intervenue pour moi…», témoigne Mohamed K. que nous avons rencontré aux urgences médicales de l'hôpital de Beni Messous, dont l'état de santé reste critique. Le malaise est réel dans les hôpitaux. Les malades s'impatientent et dénoncent l'injustice dans l'accès aux soins et la difficulté d'être pris en charge. A l'échelle nationale, la disparité régionale en termes de structures n'est pas visible, mais en termes de soins et d'équipements disponibles, il y a débat. «Dans la majorité des CHU, pour répondre à la demande des malades, on opte de plus en plus pour la politique d'hospitalisation de jour. Moins chère pour l'hôpital et plus pratique pour le patient», indique Omar Bouredjouane, directeur de l'hôpital de Beni Messous, Alger. Contrôle «Il y a beaucoup d'absentéisme au CHU. Lorsqu'un médecin ne souhaite pas assumer sa garde, il dépose un congé de maladie d'une journée, c'est-à-dire lors de sa garde. Il ne peut donc être remplacé. Ainsi, il aura deux jours de repos pour le prix d'un seul, la journée suivante est celle de la récupération», selon un professeur à l'hôpital de Batna. A Tipasa, à Médéa ou Chlef, des équipements d'une technologie pointue existent, à l'exemple des IRM ou scanners, mais les radiologues manquent. Les patients atterrissent donc à Alger ou Blida pour des examens médicaux. «Une fois les radios faites ici, nous préférons alors continuer nos soins sur place. Ils n'ont qu'à nous installer un personnel et des équipement similaires à ceux de ces villes dans nos régions», confie un patient. Autre disparité : le manque de spécialistes , gynécologues, oncologue ou phtisiologues…, dans les régions enclavées. A Sétif, la situation n'est pas meilleure. Le CHU datant de 1939 ne répond pas aux besoins d'une région de 5 millions d'habitants. La demande des citoyens et des professionnels réclamant depuis des années l'inscription d'un deuxième CHU est restée lettre morte. De l'autre côté de la barrière, les directeurs des hôpitaux donnent une autre explication à ce malaise. Lorsque l'hôpital reçoit beaucoup de patients, les professionnels ne se concentrent plus sur la qualité des soins. Le plus important est de gérer la masse. La sociologie du patient a été évoquée à maintes reprises par les directeurs des CHU. «Les malades doivent changer de comportements», suggèrent-ils. «Le déséquilibre régional en matière de structures et de spécialités a fini par perturber les soins. Nous cherchons donc plus une qualité de prestation. Dans notre hôpital, pour mieux maîtriser le flux quotidien venu des communes du Centre, nous avons déplacé le services des urgences à l'extérieur de la structure», affirme M. Rekkik, directeur de l'hôpital Nafissa Hamoud (ex-Parnet). Et d'ajouter : «Le CHU est censé prendre uniquement en charge un patient à la demande d'un confrère dont les compétences s'avèrent limitées. Or, pour un simple pansement, un patient se présente chez nous !» Gratuité D'autres évoquent une réflexion sur la gratuité des soins. Une fois que les soins seront payants pour une certaine catégorie de la société, dite aisée, les hôpitaux peuvent offrir une meilleure prestation de services aux autres. «C'est insensé que sur 11 000 examens médicaux, des centaines d'imageries médicales ne soient pas récupérés. C'est une perte financière colossale pour l'hopital.» Un fait relevé par le directeur de l'hôpital Mustapha Pacha qui affirme : «Lorsqu'il y a abus d'analyses médicales par les patients, la structure finit par enregistrer une pénurie en réactifs, ce qui pose un sérieux problème lorsque les vrais malades en ont besoin.» Compétences Selon les gestionnaires, il est important de laisser les jeunes compétences gérer les services. Les nouvelles compétences ne trouvent pas d'espace pour travailler et être motivés. D'où leur départ massif vers le secteur privé. Le mieux est de céder les services à ces jeunes et de se consacrer à la recherche. A relever, également, le vide actuel dans les rangs des anesthésistes, sages-femmes et infirmiers. Avec leur nouveau statut, selon lequel les corps doivent être diplômé (LMD), depuis la rentrée universitaire 2012-2013, il faut attendre au moins deux ans pour voir les nouvelles recrues, alors qu'il y a un départ massif à la retraite actuellement !
* Notre méthode: Pour pouvoir prouver les disparités des établissements et mettre au clairles équipements réels de vos hôpitaux, nous avons mis sur pied neuf critères : nombre de lits, spécialités disponibles, actes chirurgicaux effectués pendant 2012 ou 2013, équipements disponibles et leur état, recherches des professeurs finalisées ou en cours, spécialistes primés et distingués à l'échelle internationale, opérations pilotes menées, grèves et scandales enregistrés en 2012. A l'exception du CHU Tizi Ouzou qui n'a pas communiqué ces détails à temps, les 12 autres CHU ont répondu aux questions d'El Watan Week-end ( rédaction nationale et correspondants locaux). Quelques détails manquent dans les tableaux, les structures concernées n'ont pas souhaité communiquer à ce propos.