Avec les 6 605 structures hospitali�res publiques, notre syst�me de sant� tremble sur ses bases et se fissure : d�un c�t�, la plainte des personnels. Il suffit de tendre l�oreille et d��couter quelques voix parmi les corps m�dicaux, param�dicaux et administratifs qui font tourner les h�pitaux publics pour mesurer l�ampleur du malaise du d�senchantement m�me qui r�gne dans les couloirs et les salles de soins. Ces derniers clament partout leur �puisement et leur lassitude de vivre au rythme de plannings chaotiques dans des services sous-�quip�s en mat�riel m�dical, et en sous-effectifs. Des professeurs de m�decine qui expriment solennellement leur inqui�tude devant la d�gradation des conditions de travail dans leurs services. De l�autre c�t�, monte une autre plainte qui vire � la panique : celle des directeurs de la population et de la sant� (DPS) et des directeurs des h�pitaux. Ils d�sesp�rent devant les difficult�s de toute nature financi�res, humaines et manag�riales qui s�opposent � l�endiguement de la quasi-faillite du syst�me de sant�. Ils assistent � l�irr�sistible mont�e des d�penses des h�pitaux support�es en grande partie par la CNAS, sans qu�aucune politique de ma�trise des co�ts ne soit entr�e en vigueur. A titre illustratif, la quasi-totalit� des h�pitaux croulent sous des dettes envers des organismes, � savoir Sonelgaz, PCH (pour le m�dicament), Institut Pasteur (vaccins et s�rums) Socothyd (pansement, etc.) sur le plan de l�humanisation des h�pitaux, il y a une totale absence d�une restauration, plus ou moins propre, d�h�tellerie, de conditions d�accueil des malades, absence d�hygi�ne, augmentation des maladies telles l�h�patite virale, la lechmaniose et surtout la tuberculose qui se trouve � la premi�re place des maladies � d�claration obligatoire. S�ajoutent � cela les disparit�s d�attribution des indemnit�s de risques, d�int�ressement et de contagion entre cat�gories professionnelles en milieu hospitalier, moyens humains, le manque crucial de chirurgiens, d�orthop�distes, de gyn�cologues, de radiologues et de sages-femmes, des secteurs sanitaires faute de m�decins sp�cialistes et de mat�riel m�dical font office de salles de soins. Le droit des malades est bafou� dans la mesure o� l�absence totale de m�dicaments contraint ces malades � faire leurs achats des produits de sant� pour recevoir les soins. L�accueil, qui est fait aux usagers des h�pitaux, est des plus effrayants, sans parler de leurs conditions de s�jour, quand il y a s�jour ! Les r�alisations des infrastructures sanitaires connaissent un grand retard : 10 centres de canc�rologie pour traiter les 250 000 canc�reux sont toujours renvoy�s aux calendes grecques, surtout pour les 70% de ces grands malades qui viennent de l�int�rieur du pays, et qui souffrent le martyre. Pour un simple rendezvous dont les d�lais sont tr�s longs, n�cessitant des frais, transport, h�bergement � l�h�tel, ou dans un hammam, restauration, etc., pour des gens qui vivent souvent dans une grande pr�carit�. Les in�galit�s criantes en mati�re d�acc�s aux soins existent entre les r�gions. Seules les grandes villes sont b�n�ficiaires de prestations de soins concernant les lourdes pathologies. Et encore ! Au nom de la bonne gouvernance, chaque ministre d�pose son bilan aupr�s de Monsieur le pr�sident de la R�publique bilan qui se r�sume au nombre de cadres limog�s. En r�alit�, cependant les choses ne bougent pas quant � l�am�lioration de la qualit� de sant� des citoyens. Pour ce qui est de la prise en charge en urgence des malades dont l'�tat de sant� n�cessite un transfert vers les unit�s de soins sp�cialis�s, c�est une v�ritable gageure. En fait, la situation des h�pitaux publics n�a jamais paru si paradoxale : plus il y a l�argent inject� dans le syst�me, moins le patient, le contribuable ou m�me le ministre de la Sant� savent vraiment o� il passe. Plus que jamais l�opacit� gouverne l��conomie de la sant� et particuli�rement celle des h�pitaux. O� va l�argent qui est vers� en milliards de dinars en forfait hospitalier par la CNAS ? Face � cette situation chaotique, on mesure combien la gestion des hommes et de l�argent des h�pitaux engendre des gaspillages massifs et des in�galit�s criantes. Depuis plus de 30 ans, chaque �tablissement hospitalier �tablit son budget pr�visionnel de d�penses sans aucun param�tre de calcul. Cette situation donne la mesure de la d�rive financi�re des h�pitaux. Il va sans dire que peu d��tablissements publics de sant� pratiquent la comptabilit� analytique, comparer le co�t d�une appendicite d�un �tablissement � l�autre tient du parcours du combattant, par contre pour les cliniques priv�es, le prix d�une telle intervention est �valu� comptablement et varie entre 30.000 DA et 45 000 DA, cela d�pend du nombre de jours pass�s sous surveillance m�dicale. Les tarifs publics sont au moins de trois quarts inf�rieurs. �Les h�pitaux, c�est le degr� z�ro du management�, r�sument certains m�decins sp�cialistes, gestionnaires et professeurs de m�decine. Les lourdeurs emp�chent en effet souvent de tirer le meilleur parti des ressources et de la bonne volont� d�un personnel plus ou moins impliqu� mais compl�tement d�stabilis� du fait que les services hospitaliers sont devenus une mosa�que de baronnies, les moins performants campant sur leurs acquis, en termes de moyens et de personnels. Quant aux directeurs d��tablissements, ils n�ont pas les mains libres. Tout est contr�l� par le minist�re de la Sant� publique dans une totale opacit�, tous les maux d�coulent des barons du minist�re de la Sant� d�cideurs de l�ombre. S�ajoutent � cela un pouvoir syndical et un corporatisme m�dical fort. On ne peut forcer personne � changer ses m�thodes ou son rythme de travail. On estime en moyenne � 11% les salari�s qui ne font rien ou pas grand-chose. Un chef de service admet que chaque structure sanitaire a son lot de m�decins peu performants. Il n�y a rien � faire, sinon �loigner les plus dangereux des patients. Le management des h�pitaux devient chaque jour plus critique. D�j� sous tension, la gestion des ressources humaines affronte un autre probl�me de taille : la p�nurie de m�decins sp�cialistes, d�infirmi�res et surtout de sages-femmes. Les s�v�res num�ros clausus impos�s par le minist�re de la Sant�, selon un directeur d��tablissement sanitaire, explique la pl�thore des postes vacants. Difficile de renverser la vapeur, sachant qu�il faut plusieurs mois pour former une sage-femme, une infirmi�re et presque dix ans pour un m�decin sp�cialiste. A Alger, 1100 postes de sage-femme, d�infirmi�re et de m�decin sp�cialiste n�ont pas pu �tre pourvus. Chaque service se livre � une danse du ventre effr�n�e devant le manque de cette cat�gorie de personnel. Les h�pitaux sont le lieu o� r�sonnent beaucoup de nos grandes questions de soci�t�. Les d�cisions sont d�licates � prendre. Le corps m�dical, param�dical et gestionnaire d��tablissement ne peuvent pas �tre laiss�s seuls sur le front. Le ministre de la Sant� publique doit d�finir des priorit�s, assumer des choix �thiques et financiers.