La Cour suprême a rejeté la semaine dernière vingt-sept pourvois en cassation, introduits dans le cadre de l'affaire de la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA) et accepté deux autres dont le dossier doit être réexaminé par la chambre d'accusation près la cour d'Oran, a-t-on appris de source judiciaire. Il s'agit de Kherroubi, Badreddine et Toufik, respectivement directeur général adjoint chargé de l'administration et du contentieux, ainsi que le directeur général adjoint de la compagnie d'assurance Star Al Hana, appartenant au même propriétaire de la BCIA. Cette affaire, rappelons-le, avait éclaté en début de l'année 2003, lorsque l'agence régionale de la BEA s'est rendu compte qu'elle avait escompté des traites d'un montant de 132 milliards de dinars (selon le parquet d'Oran) avalisées et garanties par la BCIA sans que la marchandise soit réceptionnée. Sur la liste des bénéficiaires de ces traites figurent les noms de nombreux opérateurs économiques connus sur la place d'Oran et domiciliés à la BEA, alors que les débiteurs des traites sont tous clients de la BCIA. Lorsque la BEA a réclamé l'encaissement de ces traites, la date butoir était largement dépassée, ce qui l'a déchue de son droit de se faire payer auprès de la BCIA. Ce qui n'était qu'un litige commercial banal s'est transformé en un immense scandale financier qui a ruiné la banque privée et toutes les autres sociétés appartenant au même patron. Le préjudice financier causé au Trésor public a été estimé à 132 milliards de dinars. Dans cette affaire, 68 personnes ont été présentées au parquet d'Oran en 2003, dont une trentaine a été placée en détention préventive, 11 sous contrôle judiciaire, 8 en liberté provisoire et 16 autres étaient en fuite. Deux mandats d'arrêt internationaux ont été également lancés contre le patron du groupe et un de ses fils, tout deux installés à l'étranger. Près de deux ans plus tard, la chambre d'accusation a renvoyé le dossier devant le tribunal criminel. Les mis en cause ont introduit un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême qui, presque une année après, en a rejeté vingt-sept et en accepté deux. Si, pour le volet judiciaire du dossier, les choses semblent ficelées et la justice statuera sur le fond dans les mois qui vont venir, il n'en demeure pas moins que cette affaire a causé de lourds dégâts collatéraux. En effet, de nombreux investisseurs, hommes d'affaires ou tout simplement des citoyens, lors de transactions commerciales avec la BCIA, ont hypothéqué des biens, mobiliers ou immobiliers, pour avoir des financements. Cela étant, certaines hypothèques, effectuées à l'insu même des principaux intéressés car non paraphées par les parties contractantes, tombent de fait car arrivées à échéance, mais leurs propriétaires se retrouvent embarqués dans un labyrinthe juridico-administratif sans fin. Pour reprendre leurs biens, l'acquisition de ce que les initiés appellent la mainlevée est inévitable. Mais celle-ci reste l'otage de la mise en liquidation de la banque privée, qui à ce jour n'a pas pris fin. Ainsi pourra-t-on espérer que le procès de cette affaire puisse lever le voile sur la dilapidation des banques publiques et les complicités ayant permis une telle hémorragie dans la gestion des fonds de la collectivité. En l'absence des véritables patrons de la BCIA, en fuite à l'étranger, et des responsables de la BEA au niveau régional et central, les chances de comprendre les dessous de ce scandale restent minimes.