Ainsi après le rejet par la Cour suprême, de trente -trois pourvois en cassation, introduits dans le cadre de l'affaire de la Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA), et accepté quatre autres réexaminés par la chambre d'accusation près la cour d'Oran, et pour lesquels un deuxième pourvoi a été introduit, le procès de ce scandale financier aura lieu le 6 novembre au tribunal d'Oran. Sa programmation, avant que la Cour suprême ne statue sur les quatre pourvois, a été qualifiée par la défense de « suspicieuse » du fait, selon elle, que « nous ne pouvons juger une affaire alors que les principaux mis en cause sont absents. Il est important que toutes les parties citées soient présentes et que le dossier ne soit pas scindé », a déclaré un des avocats constitués. Pourtant, du côté du parquet d'Oran, c'est un autre son de cloche. « L'affaire a été programmée dans le cadre de la loi. Il n'y a aucune entrave à la défense et encore moins à la justice. De nombreux dossiers similaires ont été jugés en absence de certaines parties, lesquelles ont été jugées après. Aucune disposition ne l'interdit », a déclaré le procureur général près la cour d'Oran. Les avocats ne semblent pas d'accord avec ces propos et comptent donc demander, le jour de l'ouverture du procès, le renvoi de ce dernier pour permettre la présence des quatre inculpés, dont Kherroubi Badreddine et Kherroubi Toufik, respectivement directeur général adjoint chargé de l'administration et du contentieux et directeur général adjoint de la compagnie d'assurance Star Al Hana, appartenant au même propriétaire de la BCIA, qui sont en détention préventive. Ce procès très attendu par l'opinion publique va mettre la lumière sur les raisons qui ont transformé un litige commercial banal en un immense scandale financier qui a ruiné la banque privée et toutes les autres sociétés appartenant au même patron, et du coup, causé au Trésor public un préjudice de 132 milliards de dinars. Cette affaire, rappelons-le, avait éclaté au début de l'année 2003, lorsque l'agence régionale de la BEA s'est rendue compte qu'elle avait escompté des traites d'un montant de 132 milliards de dinars (selon le parquet d'Oran) avalisées et garanties par la BCIA sans que la marchandise ne soit réceptionnée. Sur la liste des bénéficiaires de ces traites, figurent les noms de nombreux opérateurs économiques très connus sur la place d'Oran et domiciliés à la Banque extérieure d'Algérie (BEA), alors que les débiteurs des traites sont tous clients de la BCIA. Lorsque la BEA a réclamé l'encaissement de ces traites, la date butoir était largement dépassée et elle ne pouvait donc prétendre à son droit de se faire payer auprès de la banque privée. Dans cette affaire, 68 personnes ont été présentées au parquet d'Oran en 2003, dont une trentaine ont été placées en détention préventive, 11 sous contrôle judiciaire, 8 en liberté provisoire et 16 autres étaient en fuite. Deux mandats d'arrêt internationaux ont été également lancés contre le patron du groupe et un de ses fils, tous deux installés à l'étranger. Près de deux ans plus tard, la chambre d'accusation a renvoyé le dossier devant le tribunal criminel. Les mis en cause ont introduit des pourvois en cassation auprès de la Cour suprême qui, presque une année après, a rejeté vingt-sept et accepté quatre d'entre eux. Si pour le volet judiciaire du dossier, les choses semblent être ficelées, la justice statuera sur le fond prochainement. Il n'en demeure pas moins que cette affaire a causé de lourds dégâts collatéraux. En effet, de nombreux investisseurs, hommes d'affaires ou tout simplement des citoyens, lors de transactions commerciales avec la BCIA, ont hypothéqué des biens, mobiliers ou immobiliers, pour avoir des financements. Bien que la plupart n'ont pu les récupérer, certaines hypothèques, effectuées à l'insu même des principaux intéressés, car non paraphées par les parties contractantes, sont tombées de fait parce qu'arrivées à échéance, mais leurs propriétaires se sont retrouvés embarqués dans un labyrinthe juridico-administratif. Pour reprendre leurs biens, l'obtention de la mainlevée est indispensable. Mais celle-ci reste l'otage de la mise en liquidation de la banque privée qui, à ce jour, n'a pas pris fin. Ainsi, pourra-t-on espérer que le procès de cette affaire puisse lever le voile sur la dilapidation des banques publiques et les complicités ayant permis une telle hémorragie dans la gestion des fonds de la collectivité. En l'absence des véritables patrons de la BCIA, en fuite à l'étranger, et de certains responsables de la BEA au niveau régional et central, certains observateurs estiment qu'il y a peu de chance de comprendre les dessous de ce scandale qui restent minimes.