L'Algérie fait partie des pays qui subventionnent énormément. Beaucoup et pratiquement sans distinction de catégories de consommateurs ou de bénéficiaires. Logement, santé, éducation, produits énergétiques, alimentation ; beaucoup de biens et de secteurs y passent. Surtout depuis les fameuses émeutes de janvier 2011, qui ont fait naître, chez les décideurs, une forte propension à chercher à préserver à tout prix une paix sociale, restée somme toute frêle. Or, s'il est indéniable que l'actuelle politique publique de soutien aux prix, qui du reste grève fortement le budget de l'Etat, demeure nécessaire pour préserver le pouvoir d'achat de tant de populations vulnérables, il n'est pas moins sûr que les dépenses qu'elle charrie ne profitent pas qu'aux démunis. L'Algérie, comme s'en alarmait, récemment à juste titre, un ancien ministre des Finances, ne peut continuer à subventionner aveuglément les produits… L'Etat destine, en effet, son soutien, non pas aux catégories sociales qui en ont effectivement besoin, mais à tant de biens et de secteurs, dont tout le monde profite, y compris les plus aisés et dans certains cas, surtout les plus aisés. La Chine, qui compte près d'un milliard et demi d'habitants, parvient bien, elle, à subventionner l'individu et non le produit, cite le même ancien ministre. En revanche, le soutien excessif et si mal ciblé des prix en Algérie profite à tant d'intermédiaires, d'entrepreneurs, d'importateurs et à bien d'autres franges sociales, qui en font parfois une source de détournement et de dilapidation d'argent public. Avec une enveloppe de pas moins de 10,59 milliards de dollars en 2010, l'Algérie, selon un récent rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), fait partie des pays arabes qui subventionnent le plus les produits énergétiques. Ces subventions dites implicites, car non intégrées directement à la nomenclature officielle du budget de l'Etat, pèsent ainsi, selon le même rapport, quelque 6,6% du produit intérieur brut (PIB). Et elles profitent sans doute aussi à des réseaux de contrebande de carburants, produits dont la part en subventions s'élève à 8,46 milliards de dollars, selon la même étude. Les produits énergétiques fortement soutenus L'électricité, elle, en capte quelque 2,13 milliards de dollars, alors que, selon des propos d'experts et d'observateurs, 10% des abonnés de Sonelgaz consomment à eux seuls 40% de la production d'électricité. De gros consommateurs en fait qui payent ce produit stratégique au prix subventionné par l'Etat, c'est-à-dire loin de la vérité du marché. Hormis les prix des produits énergétiques fortement subventionnés, d'autres segments du système public de soutien aux prix témoignent également de graves incohérences dans l'allocation de la ressource publique. La politique publique de financement de logement accapare ainsi plus de 3% du PIB du pays. Une part importante de la richesse nationale en somme, alors que des classes entières de cadres n'ont pas la possibilité d'accéder au logement, et que d'autres, en revanche, bénéficient indûment de nombre d'unités du parc national de logements sociaux. Dans la même lignée des politiques publiques incohérentes et inefficaces, l'Etat consent sur son budget quelque 270 milliards de dinars en guise de subventions pour la stabilisation des prix du blé, de l'huile, du lait et du sucre, suite aux perturbations du marché et aux émeutes qui en ont suivi en 2011. Une réponse populiste et conjoncturelle à un problème structurel majeur de régulation des prix et sans doute qu'aujourd'hui ce dispositif de stabilisation des prix profite davantage aux spéculateurs qu'aux populations à faibles revenus. Qui plus est, de telles subventions affectées directement aux produits, dont la matière première est le plus souvent importée, ne permettent que temporairement de restructurer les prix internes et de faire face aux pénuries. Preuve en est la structure des prix réglementés de la farine panifiable et du pain ordinaire : des prix fixés par décret, tandis que les cours du blé tendre importé, qui en est la matière première, reste tributaire des fluctuations des prix sur le marché mondial. Ce cas de parfaite incohérence de la politique publique des prix ne cesse de créer, ces dernières années, de graves perturbations dans les secteurs de la meunerie et surtout de la boulangerie, c'est-à-dire de l'approvisionnement en pain. Autant de désordres, de sources de gabegie et d'injustes répartitions de la budgétivore aide de l'Etat, qui rendent ainsi nécessaire une refondation des principes mêmes qui sous-tendent la politique des subventions et de soutien aux prix en Algérie. L'Etat doit désormais apprendre à subventionner et à soutenir le pouvoir d'achat des Algériens démunis et non plus les biens de consommation et leurs prix à l'importation.