La hausse des prix du pétrole enregistrée, vendredi dernier, à la clôture des marchés a installé une sorte de panique dans le discours des dirigeants occidentaux. Cette attitude est illustrée par la proposition faite par le ministre français de l'Economie et des Finances de demander au Fonds monétaire internationale de contrôler le marché pétrolier. Impensable il y a quelques années, cette attitude est surtout motivée par l'impuissance des gouvernements à agir sur un marché très volatil et qui se trouve soumis à plusieurs facteurs aussi incontrôlables les uns que les autres. Le ministre français Thierry Breton a demandé samedi lors de la réunion de printemps du FMI tenue à Washington à ce que le Fonds « exerce formellement une surveillance sur le fonctionnement du marché pétrolier ». La veille le G7 avait produit un communiqué assez particulier où il appelait « à des investissements dans l'exploration, la production, les infrastructures énergétiques et les capacités de raffinage ». Le dirigisme qui transparaît dans le discours des ministres des Finances des pays les plus industrialisés (Etats-Unis, Canada, Allemagne, Japon, Grande-Bretagne, France et Italie) s'explique par la nécessité de montrer aux opinions que les gouvernements prennent leur responsabilité devant la crise qui secoue les marchés. Même s'ils se sont défendu de fixer le prix du baril de pétrole, les ministres des Finances des pays membres du G 7 gèrent une situation assez paradoxale. Tout le monde sait que les pays producteurs membres ou non de l'Opep produisent au maximum de leurs capacités. Tout le monde sait aussi que les stocks de pétrole brut sont bons. Et cela n'empêche pas les prix de poursuivre leur mouvement haussier. Des experts expectant même un baril à 80 dollars pour cette année 2006 et un baril à 100 dollars pour 2007. Théoriquement, les prix du pétrole ne devraient pas être à ce niveau. Or depuis le début de l'année ils ont augmenté de 20% par rapport au niveau de l'année 2005. Nombreux sont les facteurs qui secouent le marché, dont le plus important reste le spectre d'une rupture des approvisionnements à cause de la multiplication des facteurs de tension Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces tensions ont pour théâtre des pays producteurs aussi importants les uns que les autres, l'Iran, le Nigeria, le Venezuela, l'Irak... La crise est là La réaction des forces du marché n'est pas exagérée même si les fonds d'investissement interviennent pour beaucoup dans la hausse des prix. Une aggravation d'un conflit peut être un facteur de rupture d'approvisionnement ou d'une pénurie. Et la seule manière de manifester ce danger pour le marché est l'augmentation du prix. En réalité, le marché est en train de rattraper un niveau historique. Les pays consommateurs sont en train de payer les situations passées, marquées par un pétrole à bas prix, un désinvestissement chronique, une absence totale dans les capacités de raffinage et notamment chez le plus grand pays consommateur de carburant au monde, les Etats-Unis où aucune raffinerie n'a été construite depuis 1976. La percée des pays émergeants et l'augmentation de la demande chinoise en pétrole a finalement été la goutte qui a fait déborder le vase en révélant au grand jour la précarité de l'équilibre. Le faible niveau des capacités additionnelles qui servaient d'amortisseur pour le marché et la faiblesse des capacités de raffinage ne sont pas près d'être rétablies de sitôt. Et sus ce plan de constat de l'Agence internationale de l'énergie a le mérite d'être objectif. Selon le directeur exécutif de l'AIE, Claude Mandil qui s'exprimait dimanche à Doha dans une conférence de presse organisée en marge du Forum international de l'énergie, « Les tensions créées par plusieurs années de sous-investissement risquent de perdurer plusieurs années » et « le marché va continuer d'être caractérisé par l'incertitude sur cette période ». La crise étant là, elle ne peut être gérée par un discours politique musclé qui ne responsabilise pas le consommateur, mais plutôt par des politiques plus efficaces et transparentes et qui arrivent à impliquer les consommateurs que sont les citoyens. Maintenant que le baril du pétrole a dépassé la barre des 75 dollars, le seuil psychologique des 80 dollars est à la portée du marché. Pour l'instant le marché reste insensible au discours.