Durant la matinée d'hier, la ville de Tamalous n'arrivait plus à contenir une douleur ressentie et partagée par toute la population. Normal, les dix gardes communaux assassinés dans l'embuscade étaient tous originaires de la région. Des enfants de Tamalous. Certes la tension était perceptible, mais une nette impression d'humilité se dégageait aussi des habitants. Alignés dans la cour de la mosquée de la ville, les dix cercueils couverts de l'emblème national donnaient au lieu un air de solennité. Tout le pourtour de la mosquée était bondé de monde et à l'approche de la prière du Dohr, Tamalous est déclarée ville fermée. Tous les commerces baissent rideaux. La plupart des habitants n'ont pas rejoint leur lieu de travail et tenaient à être présents pour l'enterrement. Ils étaient des milliers à venir compacter une foule impressionnante. Jamais, la mosquée de Tamalous n'a été si minime pour accueillir des fidèles venus accomplir la prière du mort. Leurs visages étaient vides de toute expression. Comme s'ils ne comprenaient pas encore ce qui leur arrivait. A la fin de la prière, dix ambulances forment le cortège funèbre. Six victimes seront enterrées au cimetière communal de Bulkarnine situé à la périphérie de Tamalous. Les autres seront enterrées aux cimetières de deux autres agglomérations de Tamalous : trois à Aïn Tabia et une au cimetière de Djemala. A Tamalous, une file de plus d'un kilomètre arpente lentement le chemin qui mène au cimetière. Ils étaient plus de 10 000 habitants. Peut-être plus. Sur les lieux, un détachement militaire rend les honneurs aux victimes en présence des autorités locales. Durant la cérémonie de recueillement qui a duré plus d'une heure, Tamalous demeurait carrément fermée. Une ville fantôme. Retour sur le brasier Les commentaires au sujet de l'embuscade et ses circonstances ont constitué l'essentiel des discussions des habitants. Certains disent ne pas comprendre le fait que les terroristes puissent tendre une embuscade en plein jour à quelques encablures d'un détachement de la garde communale. D'autres expliquent plutôt que la quiétude retrouvée dans la région depuis plus d'une année a beaucoup rassuré les habitants et les éléments de la garde communale. Mais à travers ces commentaires, il demeure que les éléments du GSPC, en se risquant à opérer en plein jour, cherchaient beaucoup plus à frapper les esprits et à raviver un brasier qui commençait à s'essouffler. C'est aussi une façon de mettre très mal à l'aise les opérations visant à consolider la charte pour la réconciliation. Plusieurs témoignages rapportent que le fourgon de transport public qui a été ciblé lors de l'embuscade était le seul moyen de transport dont disposaient les éléments de la garde communale implantée à Ez Zenne, à Sidi Mansour. Les autres transporteurs ont arrêté de desservir cet axe depuis longtemps déjà, suite aux menaces des terroristes. Certains de ces transporteurs racontent aujourd'hui que chaque fois que ce fourgon prenait la route, tout le monde s'adressait à Dieu pour le protéger. Le fait que tout le monde savait que le J9, qui a été criblé de balles, transportait régulièrement des éléments de la garde communale l'a-t-il prédestiné à devenir une cible à la portée des terroristes. En tout cas, beaucoup de citoyens de Tamalous s'accordent à dire aujourd'hui que cette fatalité était nettement appréhendée. Mais en dépit de toutes les lectures et autres hypothèses pouvant découler du carnage de Tamalous, il demeure deux vérités difficiles à omettre : la première est qu'il demeure au sein des groupes encore actifs dans la région des éléments qui refusent toute réconciliation. La deuxième est encore plus significative, les groupes du GSPC activant dans le massif de Collo semblent être aux abois. Explication : la région de Skikda comprise dans la zone VII dans l'organigramme du GSPC a enregistré ces derniers mois plusieurs défections, à commencer par la liquidation de son émir Mezhoud et aussi suite à la reddition de deux chefs natifs de la région. Selon plusieurs recoupements, trois sériates demeurent plus ou moins actives et se partagent une grande partie du massif : sériat El Fath dans la région de Kerkera, sériat El Habacha à Collo et sériat El Mawt à Oum Toub. Les informations rapportées par plusieurs repentis laissent supposer qu'à elles trois, ces sériates comptabiliseraient moins de trente éléments. Les blessés se portent bien On avance même que la majorité des terroristes natifs de ces régions a déposé les armes, privant ainsi les autres d'un soutien inestimable. Ces hypothèses conduisent alors à une question : la tuerie de Tamalous signifie-t-elle que ces sériates auraient convenu d'une union pour mener l'embuscade ? Peut-être. L'imposante opération de ratissage enclenchée le jour même de l'embuscade continuait hier encore au moment où des sources hospitalières confirmaient que la vie des cinq blessés, dont l'état était jugé assez grave, ne serait plus en danger. L'un des blessés gardés en observation à l'hôpital de Collo a été transféré vers l'hôpital militaire de Didouche, dans la wilaya de Constantine. Ainsi, il ne demeure à l'hôpital de Collo qu'un seul élément de la garde communale. Il souffre de fracture aux jambes. A l'hôpital de Didouche, quatre autres éléments sont toujours en observation. Une source médicale a tenu à rassurer quant à leur état. « On a préféré les garder encore en observation », témoigne un médecin du secteur sanitaire de Tamalous. Ould Abbas aujourd'hui à Tamalous Le ministre de la Solidarité nationale est attendu aujourd'hui à Skikda. M. Ould Abbas se déplacera à Tamalous pour rendre visite aux familles des dix victimes de l'attentat terroriste, commis il y a deux jours. On croit savoir, par ailleurs, que le ministre se rendra également au chevet des blessés.