Le colloque international « Camus et les lettres algériennes : l'espace de l'interdiscours », durant lequel sont programmées près d'une quarantaine d'interventions ponctuées de débats et de deux tables rondes, qui a fait accourir de nombreux universitaires et écrivains de plusieurs régions du monde, s'est ouvert hier matin à Tipaza par une évocation de la jeunesse du futur auteur de l'Etranger, intitulée Le jeune Camus et le quartier pauvre, de Mme Agnès Spiquel. Auparavant la présidente de la séance matinale, Mme Christiane Chaulet Achour a prononcé une courte allocution d'introduction. La rencontre se maintiendra durant une deuxième journée à Tipaza, dont l'auteur a beaucoup aimé la côte. La magie créée par la rencontre de la mer et de la lumière dans un incomparable écrin de verdure se retrouve notamment dans son œuvre Noces. Le colloque se déplacera à Alger (salle des Actes et à la Bibliothèque nationale) durant les journées de mercredi et jeudi. Comme à Tipaza, communications, table ronde et débats alterneront pour poursuivre la réflexion sur cet immense auteur qui sera prix Nobel en 1957. Signalons que ces assises se termineront enfin vendredi soir par une représentation théâtrale de la pièce Les Justes d'Albert Camus. L'attrait qu'exerce Camus sur les femmes et les hommes de lettres ainsi que d'autres intellectuels demeure puissant. La vie et l'œuvre du prix Nobel sont passées en revue sous toutes les coutures. Camus jeune, Camus pauvre, Camus et les lieux où il a vécu, Camus écrivain génial, Camus et l'humanisme, Camus journaliste ou encore philosophe, l'intellectuel engagé, ses déboires politiques, son attitude vis-à-vis de l'Algérie, vis-à-vis des colons ou des petits pieds noirs, rien n'a échappé aux organisateurs qui ont invité à ces travaux de très nombreux participants. D'aucuns de ces derniers travaillent sur l'œuvre camusienne depuis des décennies. Certains, parmi les intervenants, se sont penchés sur un ouvrage donné, d'autres sur la globalité de l'œuvre. Ainsi Bouba Tabti a évoqué la portée de l'Envers et l'Endroit, Guy Basset a décrit avec un grand sens du détail les Connivences et amitiés qu'eurent Camus, Fréminville et Marie Thérèse Blondeau, des retours vers le ou les « royaumes ». François Chavannes a été le dernier à intervenir en fin de matinée avec un exposé sur l'attitude de Camus par rapport à l'indépendance de son pays de naissance, notamment dans son écrit Algérie 1958. On sait que Kateb Yacine avait écrit au prix Nobel pour dénoncer ce refus de l'indépendance. Les Algériens garderont pendant longtemps un ressentiment certain suite à la prise de position de l'auteur hostile à l'indépendance de l'Algérie. Chavannes relira à ce propos certains écrits de Camus, disant qu'il a d'abord refusé cette liberté aux Algériens, puis a accepté l'indépendance de manière négative, c'est-à-dire comme une perte pour lui-même et pour les siens, mais il a fini par se rendre à l'évidence en acceptant cette indépendance de manière positive. A l'issue de l'intervention de François Chavannes, un débat, plutôt assez vif, indiqua que les passions à propos de la position de Camus n'étaient pas encore totalement apaisées.