Quand l'art culinaire se décline en beau livre. C'est véritablement un très bel ouvrage, toutes catégories confondues, que les éditions Arak livrent aux lecteurs et lectrices. Maquette splendide, impression impeccable et, surtout, un esprit, donnent à Ma cuisine passion*, toutes les vertus d'un beau livre qui vient réhabiliter ce genre éditorial qui, à quelques exceptions – comme l'album de Leïla Boukli sur le couscous ou d'autres titres –, nourrit habituellement l'appétit financier de faux éditeurs. Profitant de l'intérêt de nos concitoyens pour la gastronomie, pour ne pas parler de boulimie nationale, ils n'hésitent pas à abreuver le marché de livres de recettes, médiocres et souvent piratées. Ma cuisine passion est dédié à Mohamed Medjahed, dit Momo, décédé à la fin de l'année 2012, qui en avait rédigé la préface. Sa caution est une référence pour qui connaissait ce personnage attachant, artiste cuisinier, passionné et érudit en plaisirs de la bouche, chroniqueur en la matière chez notre confrère Liberté, poète aussi, ce qui se sait moins. Dans sa préface – peut-être le dernier texte qu'il ait publié ! –, il affirmait : «L'ouvrage de Rachida Ziouche est réellement le reflet de la passion de toute une vie. Ses amours culinaires se sont fondues dans un creuset multiculturel ; les multiples influences acquises de par sa naissance au Maroc, son origine algérienne, ses longs séjours en Espagne et en France apparaissent tout au long de ce bel écrit de cuisine…» Il s'agit bien, en effet, d'un «écrit de cuisine». La nuance est de taille avec l'appellation commune de «livre de recettes», bien que celui-ci en propose deux cents pour trente menus, comme dans le récit savoureux d'une Shahrazade diurne des fourneaux qui se serait limitée à un mois. L'introduction de l'auteure reflète ce que Momo avait saisi. On y trouve ainsi ce beau passage : «Ces mets que vous connaissez ou que vous découvrez pour la première fois, sont l'héritage de notre culture berbère et arabo-andalouse. Aussi, je fus très étonnée quand je découvris, lors d'un voyage au pays de l'empire du Milieu, dans les marchés de Pékin, de Dalian ou de Hangzhou, des m'semen, des matlouh, des petites galettes ou m'khimret farcies, des boureks adjine, des feuilles de dioul (…). Autant d'affinités électives insoupçonnées avec la gastronomie chinoise. Quelque part, un audacieux Ibn Battûta a dû y mettre son grain de sel !». On comprend mieux, dès lors, comment l'ouvrage est un voyage culinaire, passant en revue, avec un admirable sens de la composition, des plats «bien de chez nous», en étendant parfois nos vocations de gourmets aux tables du Maghreb et du monde entier. Les recettes, claires et précises, se lisent comme un poème gastronomique où se succèdent soupes, veloutés chauds ou froids, boureks, ftayers, salades, plats, boissons et desserts, pains, le tout précédé par un chapitre de préparatifs aux conseils très utiles. Y figurent également des créations de l'auteure. Sociologue de formation, Rachida Ziouche-Lazrak, a été cadre d'entreprise et journaliste indépendante avant de professionnaliser sa passion et son savoir-faire hérité de sa grand-mère et des femmes de sa famille. Elle a été notamment chef d'un grand restaurant d'Alger avant d'élever son action au rang d'agitatrice des goûts. Son livre s'adresse autant au palais qu'à l'estomac et autant à notre culture qu'à notre esprit. En ce Mois du Patrimoine, il souligne combien l'art culinaire est une part importante du patrimoine immatériel d'un pays. Rachida Ziouche-Lazrak. Ma cuisine passion. Préface : Mohammed Medjahed. Coll. Saveurs et Couleurs. Ed. Arak. Alger, 2012.