Cela étant, l'accident de Tamanrasset en mars 2003 a montré les dangers latents qui sanctionnent toute négligence dans la maintenance ou toute économie dont les conséquences ont été insuffisamment évaluées. L'examen de ses causes avait, en outre, mis en relief les faiblesses du « maillon équipage » dont les erreurs seraient imputables à un entraînement insuffisant ou mal adapté. Le prétexte du « vieux coucous » ne serait en fin de compte que de « paravent » pour étouffer toute voix discordante et couper court à toute éventuelle polémique qui risquerait de mettre en cause des responsabilités situées à différents niveaux. De Tamanrasset à Séville et l'aventure continue En effet, après avoir focalisé dans un premier temps l'attention de l'opinion publique y compris celle des familles des victimes sur la panne moteur et le vieillissement de l'appareil de manière significative (alors que l'appareil venait de terminer sa grande visite), on a fini par admettre difficilement que les véritables causes, qui ont été fatales et déjà connues dès le début des investigations, provenaient beaucoup plus des multiples erreurs humaines commises par l'équipage : l'erreur étant la nature même de l'homme, ni l'acquisition d'une licence ni celle d'une expérience ne mettent à l'abri de l'erreur le meilleur pilote ou copilote. L'analyse de cet accident a révélé ainsi « un terrible » problème de coordination entre les membres de l'équipage. Sur ce sujet précis, l'autorité aéronautique mondiale, l'OACI a, dès 1993, demandé expressément à toutes les compagnies aériennes d'apprendre aux pilotes à mieux se comporter dans le cockpit. Comment alors expliquer le fait que la compagnie aérienne ait pu confier une mission de transport public à un tel équipage incapable de se comprendre ou de coordonner les actions qui incombent à chacun d'eux ? Ne devraient-ils pas y avoir des contrôles appropriés de l'autorité compétente ? La sécurité des vols est aussi un problème de réglementation technique et de contrôle de son application. A moins de considérer tous ceux qui ont rendu cet événement tragique possible comme contribuant au dysfonctionnement de l'équipage ? Trois ans après le crash et alors que le délai de prescription de l'action en réparation est largement dépassé, tout porte à croire que l'enquête menée à ce sujet a été entravée par plusieurs motifs, notamment la raison d'Etat qui l'avait emporté en empêchant que « certains faits aggravants » liés à ce tragique accident ne soient dévoilés à temps au risque d'entraîner de lourdes conséquences, notamment financières pour la compagnie aérienne nationale et d'éclabousser par-là même certains responsables. Que pouvait-on faire devant un cas pareil jusqu'ici unique en son genre ? La situation était sans aucun doute fort complexe et difficilement « gérable » sous un autre angle. Il faudrait désormais tirer toutes les conséquences pour que de tels accidents ne se reproduisent à l'avenir. La sécurité des vols mise en doute Malheureusement, ce qui est paradoxal, c'est qu'aujourd'hui encore, même avec des avions de nouvelle génération dotés d'équipements de dernière technologie pour leur exploitation sûre en « tout temps », la compagnie nationale, qui de surcroît évolue dans un environnement concurrentiel où la sécurité des vols est un facteur primordial, n'est toujours pas à l'abri d'un crash aérien que ce soit au décollage ou à l'atterrissage. Et pour preuve, celui de Séville qui ouvre la voie à toutes sortes de supputations quant aux conditions de sécurité des vols. D'autant plus que cet accident intervient dans un contexte européen où toute compagnie aérienne étrangère et en particulier charter, dont la sécurité des vols laisse à « désirer », est « épinglée » voire même interdite de séjour sur les aéroports européens, où des inspections inopinées sont devenues maintenant monnaie courante. Cet accident, qui a sûrement mis à mal Air Algérie, laisse croire que l'ombre du crash mortel de Tamanrasset plane toujours (mars 2003-mars 2006) même si pour cette fois-ci, en dehors de la grande frayeur des passagers, le pire a été évité de justesse.Car imaginons un seul instant un scénario « catastrophe » dans lequel ce voyage aérien avec des passagers tous de nationalité étrangère aurait fini par un crash dramatique tout comme celui de Tamanrasset qui avait fait 103 victimes ? Dans ce cas de figure, devinez la suite qui sera réservée à l'affaire ? L'intention n'est pas de chercher à « réveiller les fantômes du passé », mais il y a une réalité « accablante » que nul ne peut occulter : des recommandations visant à l'amélioration de la sécurité des vols sont préconisées à chaque accident, mais hélas leur application sur le terrain demeure incertaine. Quelles en sont les raisons ? Ne dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Avec l'accident de Séville, on observe en fait que le problème de la sécurité des vols persiste, encore plus grave, avec probablement l'une des causes qui de nouveau refait surface : le facteur humain qui a déjà été mis à l'indexe depuis le crash de Coventry en 1994, ensuite celui de Constantine en 1999 et enfin celui de Tamanrasset en 2001. Ce qui laisse apparaître qu'aucun enseignement n'a été tiré de tous ces événements malheureux, sinon comment expliquer la constante de cette cause ? Il ne s'agit nullement de jeter l'anathème sur qui que ce soit, les faits « têtus » sont là. C'est peut-être mal venu d'évoquer ce sujet qui risque de fâcher plus d'un, mais que faire « saraha raha », surtout lorsqu'il s'agit de la sécurité des passagers qui de nouveau est mise en cause. Nécessité d'une politique « proactive » de prévebtion Aujourd'hui, garantir la sécurité des vols devrait être la priorité. Cette sécurité, qui exige un travail d'équipe à tous les niveaux, n'est pas au demeurant, l'apanage de la compagnie à elle seule : elle est avant tout fonction de l'environnement juridique dans lequel elle évolue. Sur ce plan, où en est-on ? Certes, la sécurité des vols dépend en grande partie de la qualité du personnel qui assure l'exploitation des avions et, en particulier, le personnel navigant, mais sa compétence dépend aussi de son aptitude à réaliser correctement certaines actions aussi bien dans des phases de vol normales que dans les phases de vol d'urgence ou de secours. L'amélioration de la sécurité par l'entremise d'avions nouveaux est certainement indispensable, mais il faudrait faire de même pour les équipages qui devraient être correctement formés et bien entraînés mais surtout préserver des cadences de travail qui nuisent à la sécurité. Cela dit, compte tenu du nombre d'incidents et d'accidents enregistrés, seule une politique « proactive » de prévention pourrait réduire ce nombre à l'avenir. Il conviendrait alors d'instituer une politique de retour d'expérience efficace et de développer une véritable « culture » de la sécurité « à tous les niveaux ». Seulement, comment y parvenir quand la partie de l'iceberg est constituée des incidents mineurs encore trop peu connus. Et surtout lorsque les « acteurs » du transport aérien concernés communiquent peu et minimisent souvent les incidents et les quasi-accidents qui se multiplient de façon alarmante. Rapporter ces multiples événements qui constituent des sources d'insécurité se heurte encore à des obstacles de diverses natures. Quant à les analyser pour prévenir de nouvelles catastrophes, comment y faire lorsque la structure qui devait s'en charger fait encore défaut et cela malgré tous les engagements pris depuis le premier « passage » des experts de l'OACI en 2000 dans le cadre de l'audit sur la supervision de la sécurité aérienne en Algérie. Désormais, personne ne pourra accepter le fatalisme vis-à-vis de la sécurité aérienne et la banalisation de la catastrophe aérienne. C'est d'ailleurs dans cet esprit que l'OACI avait lancé, en août 2005, un appel aux Etats membres pour qu'ils consacrent leur énergie à l'élimination des carences systémiques qui existent dans leur système national. Leur responsabilité consiste à mettre en place un système national de supervision de la sécurité afin d'assurer une surveillance étroite et assidue de toutes les composantes de l'infrastructure du pays les compagnies aériennes, le système de navigation aérienne et les aéroports, c'est-à-dire toutes les parties œuvrant dans le domaine du transport aérien, à tous les niveaux et dans toutes les disciplines de la sécurité. Pour nous, le chemin à faire est encore long. En hommage aux victimes du crash de Tamanrasset pour leur 3e anniversaire mars 2003-mars 2006.