La récente récupération de plusieurs centaines d'hectares de terres agricoles par la direction de l'agriculture, que des particuliers et des entreprises s'étaient illégalement appropriées, a imposé aux instances judiciaires locales d'accélérer l'instruction de différentes affaires. Particulièrement celles ayant trait au dépeçage en règle du patrimoine foncier agricole et son détournement au profit de certains particuliers pour les besoins de la promotion immobilière. De 1997 à 2002, ce sont 14 lots propriétés de deux Exploitations agricoles collectives (EAC) implantées à Berka Zerga (El Bouni) qui avaient fait les frais de ce dépeçage. Malgré les nombreuses plaintes des membres des deux EAC et des citoyens, les pouvoirs publics à l'époque, pourtant bien au fait des frasques de certains élus de cette commune forte de 140 000 habitants, n'avaient pas réagi. Un dépoussiérage préliminaire de ce dossier par le magistrat instructeur près le tribunal d'El Hadjar a permis de situer les premiers responsables. En tête de liste, le P/APC de cette commune du précédent mandat à majorité RND. Il a été placé sous mandat de dépôt, dimanche dernier, tout autant qu'un de ses proches collaborateurs, un chef de service, un agent de l'état civil, un informaticien, un représentant des services agricoles et un autre de la section syndicale UGTA. D'autres parmi la quarantaine de personnes, dont 3 notaires, directement ou indirectement impliqués dans cette affaire, pourraient être concernées par la même mesure dans les prochains jours. Cette affaire, qui a fait grand bruit dans la wilaya de Annaba, pourrait révéler d'autres actes de dilapidation, de détournement et de malversations. Selon des sources proches du tribunal d'El Hadjar, ces actes seraient prouvés par des témoignages à charge et des preuves matérielles accablantes. La déclaration faite à ce propos par Latrèche Abdelaziz, actuel P/APC, à majorité Islah, est très significative. Ce dernier a affirmé : « Nous sommes convaincus que des investigations approfondies de ce dossier permettraient la mise au jour d'autres affaires d'atteinte aux fonciers agricoles. Tout visiteur de passage est agressé par les constructions illicites qui ont défiguré irréversiblement le site architectural et esthétique de notre commune. » Abus de pouvoir, trafics d'influence et abus de biens sociaux, tant des élus impliqués que de leurs proches et affinités, avaient transformé la commune d'El Bouni en une chasse gardée d'une minorité. Encouragés dans leurs pratiques contraires aux lois de la République, certains d'entre eux ne prenaient pas en considération les décisions de suspension de travaux de construction émises par la nouvelle équipe communale issue des élections locales de 2002. Cette situation a été révélée par M. Latrèche qui a précisé : « La plupart des auteurs d'infractions sont originaires du même patelin. Bien que remises, il y a quelques semaines par les éléments de la Gendarmerie nationale, nos décisions de fermeture de locaux commerciaux, de chantiers, ou celles portant saisies des matériaux entreposés sur les lots litigieux, ne sont pas respectées par les contrevenants. Nous étions loin de nous douter de la vocation agricole des terrains en question relevant du domaine public. » A El Bouni, la population suit avec attention l'évolution de cette affaire. Bon nombre de citoyens n'ont pas manqué de dénoncer la tacite complicité des pouvoirs publics qui n'avaient pas réagi en temps opportun pour y mettre un terme. « Natif d'El Bouni, je n'ai pas cessé de dénoncer verbalement et par écrit les actes commis par l'ancien collègue communal. Des terrains agricoles très fertiles ont été détournés de leur vocation pour être transformés en terrains à bâtir grâce au silence complice des autorités de la wilaya », avoue Abderrahmane S., un septuagénaire rencontré au siège de la commune d'El Bouni. Interrogés, des agents et des fonctionnaires de l'APC ont affirmé avoir été surpris par l'apparente opulence à l'origine inconnue de plusieurs de leurs anciens collègues, aujourd'hui sous les verrous ou ayant fait l'objet de la mesure de contrôle judiciaire.