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Récit, une enfance à Hollywood
Ecran ou mémorial ?
Publié dans El Watan le 27 - 04 - 2006

Régulièrement, à l'occasion de la commémoration de certains faits historiques liés à la Deuxième Guerre mondiale, éditeurs et chaînes de télévision occidentale consacrent leurs programmes à ce qu'il est convenu d'appeler le martyre juif. Pourquoi la régularité d'une telle manifestation et pourquoi ces images ?
Si la réponse est l'expression d'une liberté, il n'en demeure pas moins que les responsables de ces médias contribuent à leur manière à l'entretien de la mémoire « du peuple élu » ayant subi l'holocauste dont leurs dirigeants ou du moins une partie ont été les auteurs, attitude dénoncée par certains observateurs, car elle relève, selon eux, d'un fonds de commerce teinté de morale. Déjà présente dans une certaine littérature européenne, l'image du juif persécuté est visible dans un genre cinématographique, le péplum hollywoodien, à l'époque du muet et du parlant. C'est le cas de certaines réalisations de C.B. De Mille, cet ancien acteur reconverti dans la mise en scène, un technicien aux méthodes despotiques qui dirige la foule de ses figurants cravache à la main et l'injure à la bouche. Il se fait remarquer par son attitude arrogante et conservatrice à l'égard de ses collègues réalisateurs au moment de la guerre froide dans les années 1950(1). S'il reste l'incontestable auteur des Dix Commandements, les cinéphiles se souviennent du raffinement de W. Wyler, auteur de Ben Hur avec le désormais défenseur du port d'armes en Amérique, adversaire de M. Moore, C. Heston et l'élégant S. Boyd. Ben Hur est le récit d'un aristocrate juif nommé Judah, victime de l'intolérance d'un officier romain. Ce film est l'adaptation d'un roman écrit en 1888 par un militaire, le général Lew Wallace. Depuis quelques années, la télévision occidentale a repris le traitement de cette image dans ses fictions et dans ses programmes documentaires avec pour centre d'intérêt une seule représentation, celle d'un être persécuté, poursuivi, victime, non pas de la part d'un homme son semblable, mais d'un système et d'un pouvoir. Cette représentation est également présente en Allemagne jusqu'à la veille de la Deuxième Guerre mondiale dans les films de Wilhelm Pabst qui n'hésite pas à mettre en scène l'exclusion du juif dans certains milieux de la société européenne. Mais après La nuit de cristal où apparaissent, pour la première fois, les sanguinaires troupes SS, le sinistre Goebbels, alors ministre de la propagande de Hitler, ordonne aux cinéastes allemands travaillant pour le compte de la DEFA (aujourd'hui transformée en un gigantesque studio de cinéma) de réaliser des films pour « débusquer la véritable nature du juif ». Ordre qui se concrétise par Le Juif Suss, signé par Viet Harlan et qui met en scène un personnage dissimulé, voleur qui arrive à corrompre tous les membres de la cour d'un aristocrate allemand pour lui arracher finalement sa fille, film dont l'intrigue est située au XVIIIe siècle, un long métrage expressément et foncièrement antisémite, objet d'infinies études universitaires. C'est la découverte des camps de Treblinka et de Ravensbruck qui va inciter, d'abord timidement, ensuite ouvertement, cinéastes et chaînes de télévision du monde occidental à observer « ce devoir de mémoire », car la légitimité de leurs propos se résume à des considérations historiques : informer la planète entière pour éviter la reproduction de la solution finale. Ceci explique la libération de la conscience de S. Spielberg après la réalisation et le succès de son beau film La liste de Schindler, mais, en revanche, il est l'objet de critiques acerbes de la part des mêmes laudateurs lors de la sortie de Munich car « il a osé mettre sur la même balance humaine israéliens et palestiniens », comme d'ailleurs La passion du Christ de Mel Gibson. Avec Exodus, Otto Preminger, fabuleux metteur en scène de Laura, revendique directement le retour des juifs à la terre promise, légitimité refusée au peuple palestinien dont trois millions vivent depuis 1948 dans des camps loués pour une durée de 99 ans par l'Onu. Mais comment alors expliquer l'absence d'images du persécuté devenu persécuteur ; la preuve : ces assassinats répétés de jeunes Palestiniens, ces cibles exécutées froidement par l'armée israélienne drapée dans l'attaque préventive entretenue politiquement ? Et pourquoi les chaînes de télévision occidentale ne programment-elles pas, mettons dans le cadre d'un cinéclub le beau film de Borhan Alloui Kafr Kassem ? C'est vrai, il n'est plus d'actualité ou il rappelle trop l'actualité. Il évoque le massacre d'un village palestinien à Diar Yassine. C'était en 1948, l'un des assassins allait devenir, bien plus tard, grâce aux urnes, Premier ministre de l'Etat d'Israël.
1- In J'ai grandi à Hollywood de R. Parrish. Ed. Stock.


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