L'«accord» entre Moscou et Washington, conclu la semaine dernière, semble avoir redonné un peu d'espoir afin que les différents acteurs de ce conflit puissent enfin se mettre d'accord sur une sortie de crise à moindre coût. Les Etats-Unis, qui sont loin d'être les sponsors de Bachar Al Assad, ne verraient pourtant pas d'un mauvais œil une solution politique intermédiaire à travers laquelle le maître de Damas garderait pour quelque temps les rênes de son pays. Ce pourrait être une petite fleur accordée par Washington à Moscou qui s'entête à vouloir sauver le soldat Bachar. Mais ce cadeau des Américains n'est pas vraiment apprécié par leurs partenaires du Golfe qui financent et arment l'opposition armée. Doha et Riyad ne veulent pas imaginer une solution politique qui épargnerait la tête d'Al Assad. Cette dichotomie constituera, à coup sûr, l'un des brûlants sujets de la réunion des Amis de la Syrie qu'accueillera, la semaine prochaine, le royaume de Jordanie. La porte-parole du ministère, Sabah Al Rifaï, a indiqué hier que les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Turquie, le Qatar, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, l'Egypte, l'Allemagne et l'Italie ont confirmé leur participation. Il y aura sans doute de la tension dans l'air à Amman entre, d'un côté, des pays comme le Qatar, la Turquie et la France (partisans d'une solution sans Al Assad), et de l'autre ceux pilotés par les Etats-Unis défendant une option plus nuancée pour ne pas agacer les Russes. Tous ces «amis de la Syrie» sont, à vrai dire, les opposants les plus farouches au régime de Bachar Al Assad pour lequel ils ne voient aucun avenir. Les Etats-Unis devraient alors s'armer d'arguments de «destruction massive» pour convaincre les émir et roi du Golfe de mettre un peu d'eau dans leur… «leben». Un peu d'eau dans le «leben» des émirs Mission difficile en l'état actuel des choses ; bien que les Américains paraissent être maître de la décision. Quoi qu'il en soit, cette réunion, qui intervient après des rencontres entre dirigeants russes, principaux alliés et fournisseurs d'armement de Damas, et Américains, pourrait être décisive. Moscou et Washington ont convenu d'organiser prochainement une conférence internationale sur la Syrie, dans une nouvelle tentative de mettre fin à plus de deux ans de guerre civile. Cette conférence, qui doit réunir régime et opposition, devrait avoir pour base l'accord de Genève, conclu entre les grandes puissances en juin 2012, qui prévoit un processus de transition pour mettre fin à un conflit ayant fait plus de 80 000 morts, selon une ONG. Washington va donc essayer de faire adopter la teneur de l'accord avec Moscou à ses alliés en Jordanie sans trop de casse. Comment déjouer le veto russe ? Rien ne dit cependant que l'Arabie Saoudite, le Qatar, l'Egypte, les Emirats arabes unis, la Turquie et même la Jordanie vont accéder à la demande américaine. Ils viennent d'ailleurs de réitérer que Bachar Al Assad n'a pas sa place dans la future Syrie. Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, s'est même prononcé hier pour un «Genève II», estimant toutefois qu'y parvenir était «très difficile». De «Genève II», il s'agit en fait d'expurger cet accord du maintien de Bachar Al Assad. Mais Fabius sait la difficulté de la tâche, compte tenu de l'entêtement des Russes à opposer leur veto. Les Américains non plus ne sont pas rassurés par les rebelles syriens que Doha et Riyad arment à tour de bras. Washington se montre de plus en plus sceptique sur cette opposition armée en Syrie dont les mode opératoires ne différent pas trop de ceux d'Al Qaîda. De son côté, le régime syrien ne veut pas entendre parler d'une solution sans Bachar. Dans un entretien accordé, lundi soir, à la chaîne du Hezbollah libanais, allié de Damas, le ministre syrien de l'Information, Omrane Al Zohbi, a réaffirmé que le sort du président Bachar Al Assad était du ressort «du peuple syrien et des urnes», en référence à la présidentielle de 2014 en Syrie. La participation de la Syrie «est liée aux détails de la conférence», a indiqué le ministre, tout en précisant que les Affaires étrangères syriennes menaient des «contacts» en ce sens. Les «détails» de la conférence c'est évidemment le sort de Bachar Al Assad. Un détail de taille, faut-il le souligner.