Un sit-in de médecins se serait tenu à Oran (El Watan du 2/5) pour «protester contre la mise à mort de la discipline Anesthésie-Réanimation». Devant cette étrange façon d'argumenter sur une question professionnelle, scientifique et pédagogique, je souhaite apporter ce commentaire. 1- La discipline et le cursus d'Anesthésie-Réanimation doivent être non seulement poursuivis, mais renforcés, et c'est ce qu'aurait dû faire le Comité pédagogique national, qui ne s'est, hélas, pratiquement jamais réuni sans que cela gêne les acteurs et les responsables. Les milliers de spécialistes formés depuis trois décennies attestent de la vitalité et du sérieux de la formation. C'est un succès que personne ne peut remettre en question ou «mettre à mort». Il faut juste reconnaître que nous devrions être capables d'adapter les offres de soins à des demandes qui ont nécessairement évolué. Si cela n'avait pas été le cas dans les années 70 et 80, ni la réanimation ni l'anesthésie-réanimation n'existeraient aujourd'hui. 2- Le ministère de la Santé a établi, en 2010, un constat accablant sur la désertification en matière de réanimation médicale, en partie parce que l'objectif des soins intensifs pluridisciplinaires strictement médicaux a été occulté par l'énorme demande pré, per et post anesthésique des structures de chirurgie et aussi par le fait que l'anesthésie-réanimation est très demandée par le secteur privé alors que la réanimation ne s'exerce que dans la pluridisciplinarité du secteur public. 3- Or la réanimation médicale en Algérie a existé avant l'anesthésie-réanimation et c'est à partir de trois ou quatre services de réanimation que l'anesthésie-réanimation s'est développée jusqu'à couvrir tout le territoire national depuis les CHU jusqu'aux structures de santé locales. Mais dans le même temps, aucun nouveau service de réanimation n'a été créé depuis les années 1980. D'où le constat sur le déficit en structures de réanimation médicale et sur le déficit en personnel strictement dédié à cette profession dont les progrès mondiaux sont rapides. 4- Il n'y a pas eu non plus de développement de la gigantesque demande en anesthésie-réanimation et en soins intensifs de pédiatrie et de néonatalogie, quand on sait que l'ONS annonce un million de naissances pour l'année prochaine et qu'il n'existe qu'un seul hôpital pour enfants. Le développement de la chirurgie pédiatrique (et d'autres spécialités chirurgicales plus récemment) a-t-il mis à mort la chirurgie générale ? 5- D'où la proposition que, tout en poursuivant et en renforçant le cursus d'anesthésié-réanimation, des programmes d'anesthésie-réanimation infantile soient entamés et que le cursus de réanimation médicale, qui n'a jamais été supprimé officiellement, soit repris là où c'est possible. C'est une idée juste qui ne fait que renforcer les efforts de formation médicale spécialisée et la performance des hôpitaux. Elle ne peut d'ailleurs aboutir que grâce à la coopération de toutes les compétences nationales, particulièrement d'anesthésie-réanimation, et ce ne serait qu'un juste et moral retour des choses, puisque c'est la réanimation médicale en Algérie qui a porté l'anesthésie sur les fonts baptismaux. 6- Voilà un projet du ministère de la Santé qui a été adoubé par le ministère de l'Enseignement supérieur et discuté, de façon sérieuse et respectueuse par les services désireux de travailler à sa réussite et non pas d'assister, dans l'indifférence, à l'inexorable déclin, voire à l'extinction de la réanimation, pendant que d'autres s'investissent, c'est leur droit — sinon leur morale — dans l'investissement, au sens propre et figuré, privé.