Le pays nordique caracole en tête des classements de l'OCDE en matière de rendement scolaire. Cette surprise est d'autant plus grande que les pays où s'effectue l'essentiel des travaux de recherche en sciences de l'éducation et se médiatisent des concepts grandiloquents sont rejetés loin derrière. Quelle est donc la recette miracle mise en œuvre en Finlande ? D'emblée une réponse : le système scolaire y est géré dans le respect des besoins et des attentes des élèves. En un mot, les décideurs politiques et les spécialistes finlandais (pédagogues, psychologues, didacticiens...) harmonisent à perfection leurs actions en vue d'atteindre les mêmes objectifs. Ces derniers sont puisés aussi bien dans les plans de développement économiques mis en place que dans les principes élémentaires qui régissent l'éducation scolaire. A voir de plus près le fonctionnement des écoles finlandaises, l'observateur remarquera que les impératifs liés à la psychologie de l'enfant orientent la politique éducative ainsi que les actions des éducateurs. Respect de la psychologie de l'enfant Pour commencer, l'inscription à l'école primaire est retardée d'une année. Si ses pairs des autres pays se retrouvent, dès l'âge de six ans, devant les durs apprentissages de base (écriture, lecture et calcul) avec leurs contraintes - insurmontables parfois pour des enfants de cet âge - le petit Finnois, lui, ne rencontre ce genre de préoccupations qu'à sept ans. Le législateur lui aura ainsi donné le temps pour épuiser (et s'en détacher) totalement ses centres d'intérêt et ses réflexes égocentriques. A sept ans, le futur adulte passe à l'âge mûr de l'enfance. Il a suffisamment mûri pour négocier à son avantage l'adaptation aux exigences de la vie scolaire. Il est prêt à la socialisation, à respecter les règles de vie en commun et à comprendre les contraintes de l'organisation scolaire. Un autre point important milite au profit de cette mesure courageuse - l'entrée à sept ans. Le cerveau de l'enfant est arrivé à un niveau de développement tel que se sont mis en place de façon quasi définitive les préalables indispensables - les substructures de l'apprentissage (et de l'intelligence), pour reprendre J. Piaget - pour accéder aux concepts base du calcul, de la lecture et de l'écriture. Cette préparation de l'enfant à l'école s'appuie sur une généralisation du préscolaire avec la pédagogie, l'organisation et tous les moyens humains qui vont avec. La maternelle est conçue dans sa double dimension : accompagner l'enfant dans sa croissance et lui assurer les préapprentissages. Une fois parvenu à l'âge scolaire prévu par la législation, le petit Finnois n'éprouvera pas trop de difficultés à intégrer le régime pédagogique de son pays. Il y sera reçu en tant que conquérant potentiel et victorieux de sa propre éducation. Dans l'esprit des pédagogues finlandais, ne trotte jamais l'image de l'élève paresseux en puissance et à qui il faut « faire suer le burnous ». Ils ont une vision optimiste de la nature enfantine surtout qu'elle est arrivée à maturité. Les conditions de travail En Finlande, l'écolier est mis en condition maximale pour se sentir à l'aise dans ses études. Rien dans l'organisation pédagogique de l'établissement ne viendra le contrarier ou le démotiver. Bien au contraire, les efforts des éducateurs et des administrations sont concentrés dans la création des conditions matérielles et psychologiques à même de stimuler son ardeur au travail et à l'effort dans la joie et l'enthousiasme. Utopie, diront certains. Suivez une entrée d'élèves du primaire en salle de classe et vous verrez l'impensable - mais vrai ! Au seuil de la porte, les élèves retirent leurs souliers. Sur le parterre digne d'un hall d'honneur d'un grand palace étoilé, ils se déplacent à l'aise, se décontractent, prennent leurs marques avant d'aborder la leçon du jour. Les après-midi, ils les consacrent aux activités sportives et artistiques programmées dans un double but : ludique (de décompression) et éducatif - il y apprend la technique, se socialise et s'éduque. L'EPS et l'éducation artistique sont perçues sous l'angle éducatif et hissées au même statut que les activités scolaires intellectuelles (maths, langue...). Le système d'évaluation finlandais se distingue par sa philosophie toute centrée sur les attentes de l'élève. La notation à des fins de comptabilisation pour une sélection - l'exemple algérien en l'occurrence - n'existe pas. Le taux d'élèves qui arrivent sans dégâts à la fin de la scolarité obligatoire est de 99%. La remise à niveau (la remédiation) est assurée de façon constante au jour le jour. Des moyens sont dégagés à cet effet. Dans chaque écoles sont créés des postes d'enseignants spécialement affectés pour venir en aide aux élèves qui n'ont pas compris une partie de la leçon du jour. Au fond du couloir du bloc classes, se trouve le bureau de cet enseignant. Il y reçoit à toute heure, explique, remonte le moral à tel ou tel élève. Un autre dispositif de rattrapage (pour reprendre le vocable francophone) à plus large échelle regroupe, par matières, des élèves ayant perdu pied pendant les leçons de la semaine. Deux à trois enseignants circulent entre les élèves en difficultés et placés en groupe de quatre ou cinq. L'atmosphère est détendue, le climat de confiance est maintenu grâce à la bienveillance des éducateurs soucieux de l'équilibre psychique de leurs élèves. Le stress, la pression et l'angoisse de l'examens/tombola, qui l'espace d'une journée décident du sort d'un enfant, sont inconnus des écoliers de Finlande. Dans le système scolaire finlandais, sont traqués les germes pathogènes à l'origine de ces maladies que sont : la phobie de l'école, le décrochage avant l'abandon, la violence contre l'institution et ses symboles (enseignants, mobilier, matériel, gestionnaire), la triche (le copiage) pendant les épreuves d'évaluation formative (et non dite de sanction ou de compétition). Mais au juste, ces éducateurs, au grand cœur, du planton de l'école au ministre de l'Education, ont-ils besoin de combattre ces dérives ? Elles n'ont pas lieu d'être, ils ne les connaissent même pas. Ils en entendent parler à travers les informations qui leur proviennent de certains pays, l'Algérie en particulier. Là où la sélection est traumatisante, la concurrence - déloyale souvent - entre élèves, la compétition féroce entre établissements commencent... à l'âge du biberon.