La vérité et la transparence ayant rarement guidé l'action de nos gouvernants, en situation de crise comme en temps normal, les Algériens ont très peu de chances d'être véritablement tenus informés de l'évolution de la santé du Président. Transféré à l'étranger depuis trois semaines pour des examens complémentaires suite à un «mini-AVC», le chef de l'Etat n'a pas encore réapparu devant les Algériens pour confirmer les déclarations officielles sur l'évolution positive de son état de santé. Les réponses lapidaires et ostensiblement rassurantes aux questionnements produisent l'effet inverse au sein de l'opinion publique et aggravent le malaise qui s'est installé dans le pays, après ce nouvel épisode clinique ayant touché le sommet de l'Etat. Les affirmations selon lesquelles le Président suit, depuis sa chambre d'hôpital, «les dossiers et les questions d'intérêt national» ajoutent à la perplexité générale. A l'impossible nul n'est tenu et s'il y a convalescence, autant qu'elle soit complète, le suivi des affaires publiques étant déjà une charge difficile à assumer même pour des personnes en pleine forme. Les messages adressés aux travailleurs et aux journalistes, début mai, depuis l'hôpital parisien ou conçus à Alger, étaient quelque peu surfaits, péchant par un manque de crédibilité manifeste. Les journalistes, en particulier, ne pouvaient pas croire à une soudaine révolution des esprits au sein du régime au sujet de la liberté de la presse, au moment où ils n'étaient même pas certains que le chef de l'Etat ait repris toutes ses facultés et fonctions vitales. Depuis, rien de nouveau à propos de la santé du président de la République en exercice. Accident vasculaire à la Présidence et psychodrame dans le pays, exacerbé par des nouvelles alarmantes publiées, ces derniers jours, sur des sites d'information et des médias étrangers. Tout le pays est installé dans un état stationnaire, y compris les institutions, sur fond de black-out sur la question qui taraude tous les esprits, à savoir des nouvelles du premier personnage de l'Etat. Les membres du gouvernement essayent d'occuper le terrain pour marquer la continuité de l'Etat et l'effort de développement, mais dont l'impact est plus qu'improbable dans le contexte politique actuel. Le Premier ministre a ainsi exhorté, jeudi dernier, les responsables des entreprises publiques à redoubler d'efforts pour remettre sur pied le secteur industriel, «conformément aux orientations et au programme du gouvernement». Cette nouvelle formulation du discours officiel ne manque pas, du reste, de surprendre dans un pays où, depuis quinze ans, il n'y a pas de programme en dehors du programme présidentiel. La disponibilité affichée dans cette conjoncture particulière par certaines personnalités à se «mettre au service de l'Etat» ou à se lancer dans la course présidentielle est l'autre élément qui alourdit le climat général et déroute encore plus les citoyens, qui sont catastrophés par la tournure que prend la compétition politique dans le pays.