Depuis son admission samedi dernier en urgence à l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce pour «un mini-AVC», le président Bouteflika boucle aujourd'hui une semaine durant laquelle le pays est demeuré suspendu à l'évolution de son état de santé. Le déficit de la communication officielle sur le bilan de santé du président a donné lieu à des rumeurs et à des lectures contradictoires, spéculant sur ses capacités à continuer à gouverner avec cette alerte qui, quoi que l'on dise, ne pourra pas ne pas laisser de séquelles. Cela en raison de son âge avancé et de ses antécédents médicaux qu'il gère déjà bien péniblement. Depuis l'hôpital parisien, aucune information n'a filtré sur le dossier médical du Président ni de l'équipe médicale algérienne qui l'a accompagné et dont on ignore l'identité, encore moins des médecins français auxquels des consignes strictes semblent avoir été données pour empêcher que la moindre information n'en sorte. D'ailleurs, il est pour le moins troublant que même les médias français, y compris ceux qui passent pour être les mieux sourcés, n'aient pas eu le réflexe professionnel – à plus forte raison que le sujet intéresse directement la France compte tenu des relations spécifiques entre Paris et Alger – de se pencher sur l'événement. Ont-ils été instruits politiquement pour garder le silence afin de ne pas heurter les susceptibilités à fleur de peau du pouvoir algérien dès lors qu'il s'agit de la santé du président Bouteflika ? Son dossier médical semble géré avec le souci que dicte la raison d'Etat et les intérêts bien compris de la France. Le black-out en matière de communication imposé à l'événement n'est pas sans avoir des conséquences sur la vie nationale présente et à venir. Le pays, qui tournait déjà au ralenti, est pour l'heure suspendu à l'état de santé du Président. Le Premier ministre, qui assume au plan protocolaire les fonctions du chef de l'Etat, tente de combler physiquement ce vide, à l'instar de sa présence le 1er mai au stade du 5 Juillet pour remettre le trophée de la Coupe d'Algérie. Mais il est clairement établi qu'aucune décision importante relevant des prérogatives régaliennes du Président, qui concentre entre ses mains des pouvoirs étendus, ne pourra être prise tant que Bouteflika est hospitalisé et tout au long de sa convalescence dont on ignore la durée. Ceci à un moment crucial où son arbitrage est très attendu sur un dossier aussi important que la révision constitutionnelle. Et où l'énigme de sa candidature pour un quatrième mandat, qui a plombé la course à la prochaine présidentielle, est toujours aussi entière. Il n'empêche, les repositionnements politiques, les nouvelles alliances et mésalliances ont certainement commencé dans les cercles de réflexion politique au sein des clans du pouvoir et dans la classe politique, de manière générale, pour se tenir prêts à toute éventualité. Ajouter à cela ces informations inquiétantes faisant état de la mobilisation de troupes américaines sur le territoire espagnol prêtes à intervenir dans la perspective, dit-on, de troubles éventuels en Algérie. Au plan économique, cette phase nouvelle ouverte par la maladie du Président plonge le pays sinon dans une espèce de léthargie, du moins le place dans une posture de wait and see. Les partenaires et les investisseurs étrangers, ceux en place ou ceux qui envisagent de prendre des parts du marché algérien, se trouvent dans la même position attentiste. Même si Bouteflika parvient à se remettre de son AVC, celui-ci laissera fatalement de profondes séquelles sur le fonctionnement du pays, qui souffre déjà d'une hémiplégie manifeste.