Le 66 ème Festival international de Cannes est ouvertement « gay friendly ». S'agit-il d'un effet direct de la loi sur le mariage pour tous votée récemment par le Parlement français ? Plusieurs films en compétition officielle ou dans les autres sections, comme « Un certain regard », abordent frontalement la thématique de l'homosexualité. Cannes De notre envoyé spécial Le plus attendu est celui de l'américain Steven Soderberg, « Behind the Candelabra ». Cette fiction raconte les frasques du pianiste américain Valentino Liberace, star du music hall dans les années 1950 et 1960. Le rôle est joué par Micheal Douglas qui, dans le film, aura comme amant Matt Damon, qui interprète le rôle du chauffeur. Pendant plusieurs années, Liberace, qui était également un homme d'affaire, avait une relation amoureuse avec un jeune homme qu'il a recruté comme conducteur personnel. En public, Liberace n'a jamais fait son coming out. Steven Soderberg dévoile dans « Behind the Candelabra » des aspects méconnus de la vie de l'artiste. C'est également cela le rôle du cinéma. Steven Soderberg, 50 ans, a obtenu la palme d'or à Cannes en 1989 pour sa fiction, « Sexe, mensonges et vidéo », une fiction déjà en avance à l'époque. Le cinéaste français d'origine tunisienne Abdellatif Kechiche retrouve lui aussi la Croisette avec un film racontant une liaison amoureuse entre deux femmes. « La vie (sexuelle) d'Adèle » est une fiction inspirée de la bande dessinée de Julie Maroh, « Le bleu est une couleur chaude », suivant l'histoire tourmentée de Clémentine et d'Emma. Mais, le film qui suscite le plus de commentaires, ici à Cannes, est «L'inconnu du lac » du français Alain Guiraudie, projeté dans la section « Un certain regard ». Le film se déroule entre un lac et une forêt en France (cela peut être ailleurs !). Dans cet endroit, les hommes se donnent rendez-vous pour consommer du sexe entre les feuillages, entre frelons volant et oiseaux chantant ! Alain Guiraudie n'a pas mis de voile devant sa caméra. Les scènes de sexe sont filmées à l'état cru, on frôle presque la pornographie. Le cinéaste a pu échapper à cette facilité grâce à une maitrise parfaite de l'art de filmer, de capitaliser la lumière, les couleurs et les situations. Le fiction se déroule entièrement dans cet endroit à la beauté naturelle saisissante et angoissante. Les voitures que conduisent les amants d'été sont les seuls « instruments » qui rappellent une certaine civilisation. Franck et Michel se rencontrent au bord du lac, entre eux née une histoire d'amour. Mais Michel est un homme curieux qui cultive un jardin noir. Il y a aussi le sage Henri, un homme cassé, qui vient d'être abandonné par sa femme. Mais que vient-il faire là ? Chercher l'amour ? Retrouver la candeur de la jeunesse ? Retrouver de nouvelles sensations? On ne le sait pas. Il se lie d'amitié avec Franck qui lui fait confiance. Dans « L'inconnu du lac », Alain Guiraudie est entré dans le vif du sujet en croyant à l'idée de l'utopie qui colle à l'amour gay par tous les coins. A-t-il tranché ? Non. Il pose les termes du débat. Il ne se contente pas de cela. L'homosexualité abordée dans « L'inconnu du lac » paraît être un prétexte pour plonger dans les eaux profondes des sentiments humains. Et des traumatismes non révélées, comme la solitude, ce mal du siècle. Des hommes en souffrent. Des femmes également. La solitude est un mal conquérant, silencieux, ravageur. Henri, la cinquantaine passée, est le parfait exemple. Il passe son temps, ou ses vacances, assis sur les galets à contempler le lac et des corps masculins nus...Il en avait marre de la vie. Marre de souffrir...Les grandes douleurs sont muettes.