L'amour et la liberté ne vont pas forcément ensemble. On peut trouver l'un sans l'autre. Après, c'est une question de choix. Ou de sacrifice, probablement d'oubli. «La nuit de Badr » du jeune cinéaste tunisien Mehdi Hmili, projeté mardi à la cinémathèque de Béjaïa à la faveur des dixièmes Rencontres cinématographiques, tente d'explorer ce vaste champ. Béjaïa De notre envoyé spécial Sans doute inspirée par la célèbre idylle parisienne entre les deux poètes Paul Verlaine et Arthur Rimbaud vécue vers 1871, Mehdi Hmili capte la mélancolie qui traverse les personnages de Philippe (Paul Besson) et Badr (Salah Teskouk), deux gays qui semblent partager une histoire d'amour. Jeune et beau, Philippe est viscéralement attaché à Badr, vieux poète tunisien, exilé en France. «En Tunisie, il y a la Révolution. Je dois rentrer au pays », annonce un matin, Badr à Philippe. Les exilés rentrent souvent à leurs pays pour mourir ! « Je viens avec toi ! », réplique presque instinctivement le jeune amant. «Plus tard», reprend le poète qui ne sait pas s'il va vivre comme avant ou disparaître. La Révolution, quelque soit sa couleur, doit apporter la liberté, les libertés, pas l'inverse. Les personnages de « la nuit de Badr » sont mélancoliques, presque abattus. Badr voit en Philippe, l'avenir et le passé. Et Philippe concentre tout son vécu sur Badr qui lui donne de l'assurance même s'il ressemble à un fantôme. Pour certains, vivre est un mal. Pour d'autres, la vie peut être le début et la fin. Mehdi Hmili, poète lui même (il a notamment publié le recueil « Hkayet assfour » (l'histoire d'un moineau), appuie son œuvre, tout en sens, par des vers de l'irakien Badr Chaker Essayeb. Mort à 37 ans en exile au Koweit, Badr Chaker Essayeb, militant de la gauche nationaliste arabe, a notamment écrit le célèbre recueil, « le golfe et le fleuve». « ...Je suis débris de la barque d'Ulysse... », prévient comme pour souligner la tristesse qui se dégage de «La nuit de Badr ». Badr qui en arabe signifie pleine lune. La nuit sans lune est-elle plus belle ? Mehdi Hmili semblait assumer la grisaille autant que le noir et blanc. « Ma première question a été toujours de savoir si je fais le film en noir et blanc ou pas. J'ai peur de la couleur. Mes personnages sont parfois errants, perdus, déchus en amour...Ils cherchent le bout du tunnel », a-t-il confié. « La nuit de Badr » a été projeté à Tunis début mai 2012. L'accueil de la nouvelle presse tunisienne a été mitigé en raison de l'homosexualité évoquée dans le court métrage même si elle n'est pas l'essentiel de l'histoire. « Il y eu des journalistes qui m'ont dit qu'ils aiment bien le film mais ne peuvent écrire dessus. Ils ont confié avoir peur d'évoquer l'homosexualité. Pourtant, je ne cherche pas la polémique en réalisant ce film. Cela ne m'intéresse pas de faire le héros », nous a déclaré Mehdi Hmili (lire entretien dans El Watan week-end).